vendredi 31 janvier 2014

Billets-Bitcoin… système de Ponzi ?


Bitcoin… système de Ponzi ?
Il y a quelques années, avant que le vocabulaire venu d’outre-Atlantique ne se soit imposé, on préférait évoquer la chaîne pyramidale pour l’escroquerie qu’on appelle aujourd’hui système de Ponzi. L’astuce consiste pour les initiateurs de la chaîne à utiliser les fonds apportés par les nouveaux adhérents pour fournir une rémunération attractive à ceux qui leur ont confié leur capital pour les rassurer pendant qu’ils s’approprient le dit capital. Tout l’art est de disparaître avec la caisse au moment où les nouvelles adhésions vont cesser de suffire à maintenir le versement des intérêts et où les souscripteurs vont demander le remboursement de leur capital évanoui.
Certains affirment que le bitcoin serait un tel système de chaîne pyramidale, généralement au prétexte que les premiers bitcoins n’ont guère coûté aux fondateurs du système qui en possèdent de gros montants, et que les acheteurs actuels du bitcoin paient très cher pour une valeur en réalité arbitraire. Pourtant, le bitcoin ne possède pas les attributs caractéristiques d’une chaîne pyramidale :
- Il n’y a pas d’utilisation de l’apport des nouveaux entrants pour maintenir les anciens dans l’illusion de l’intégrité de leur capital. Les vétérans de la cryptomonnaie semblent pour la plupart garder leurs bitcoins sous leur matelas — fin 2012, 78% des bitcoins étaient dans des comptes dont rien n’était jamais ressorti — mais s’ils les échangent, c’est dans des transactions loyales dans lesquelles ils se dessaisissent de leur bien à sa valeur de marché. D’ailleurs, rien ne distingue le bitcoin « de fondateur » d’un bitcoin miné la minute précédente.

- Charles Ponzi utilisait un argument de bon sens, dont le principe était vérifiable par chacun mais l’application se révélait en pratique irréalisable, pour convaincre les épargnants de lui confier leur argent : il aurait acheté en Italie des coupons postaux internationaux de réponse payée, valides partout, au cinquième de leur prix de remboursement aux USA. Il aurait suffit à l’une de ses victimes d’essayer de se faire rembourser un coupon aux USA pour constater que les choses n’étaient pas si simples… Le bitcoin est à l’exact inverse un système dont seuls quelques spécialistes bac+X parviennent à maîtriser les principes, mais dont tout un chacun peut expérimenter sans grande dépense la pratique dans les bars branchés de Californie ou à Union Square le lundi après-midi.

- Bernard Madoff disposait d’une fausse salle de marchés, qu’il montrait à ses clients pour les convaincre. Toute escroquerie, et les chaînes pyramidales n’échappent pas à la règle, est ainsi basée sur la dissimulation au pigeon de la véritable nature du système. Or par construction, un tel secret est parfaitement impossible dans le cas du bitcoin où la totalité des spécifications et de l’implémentation est dans le domaine public. Avant d’acheter ses bitcoins, chacun peut vérifier qu’il n’y a pas le moindre vice caché à son désavantage, et s’il n’en était pas convaincu, personne ne l’obligera à utiliser le bitcoin comme moyen de paiement.

On notera que les monnaies fiat ne passent pas, elles, le filtre de ces critères avec la même aisance.

Imaginons qu’en 1967, Berny Wagner, entraineur d’athlétisme à l’Université de l’Orégon, se soit rendu chez un bookmaker pour parier un gros montant que son poulain, 5e à la hauteur aux championnats universitaires US avec une technique peu orthodoxe, serait l’année suivante champion olympique compte-tenu des avantages techniques qu’il voyait dans la dite technique. La cote aurait été énorme. Mais au fur et à mesure que Dick Fosbury devenait en 1968 champion indoor des USA, puis se qualifiait pour les JO, puis pour la finale, sa cote aurait baissé considérablement. Quand à Mexico, Fosbury remporta le titre olympique, Berny Wagner aurait touché le jackpot, et ce sont tous les parieurs ultérieurs qui le lui auraient versé, ceux qui avaient parié contre Fosbury, certes, mais ceux qui avaient parié pour lui auraient pu se sentir frustrés, ou même entraînés dans un système à la Ponzi où avec la même mise, Wagner touchait cent ou mille fois plus qu’eux. Mais quand on parie, on prend ses responsabilités, on connaît les cotes, les athlètes, et on est libre de ses choix.
Supposons maintenant que de manière analogue, un entraîneur basque soit allé parier en 1955 sur un champion de barra vasca de 40 ans, inconnu en athlétisme, pour l’épreuve de javelot des jeux de Melbourne. Au début de 1956, Félix Erausquin lança, avec la méthode « barra vasca », le javelot au delà du record du monde de l’époque. La cote baissait. Puis la Fédération alertée changea le règlement, prohibant de fait le « lancer à l’espagnole ». Aux jeux de Melbourne, le pari n’aurait plus rien valu.

Nul ne sait si l’avenir du bitcoin sera un flop à la manière Fosbury ou un lancement à la manière Erausquin. En revanche il est certain que parce qu’il laisse les individus libres de leurs choix tout en leur donnant toutes les informations pour les faire, sa « blockchain » n’est pas une chaîne à la Ponzi.


Billets-Danger de mort pour la peine capitale


Danger de mort pour la peine capitale

Plusieurs exécutions chaotiques, liées à la pénurie de certains barbituriques aux Etats-Unis, devraient relancer le débat sur la peine de mort.

Des décennies durant, les Américains partisans de la peine de mort ont considéré l'injection létale non seulement comme un palier dans l'évolution des méthodes d'exécution, mais aussi comme une solution commode à un problème à la fois légal et moral.
En diminuant la souffrance du condamné, le procédé est censé assurer que les exécutions ne sont pas "cruelles" et respectent le huitième amendement [qui interdit les peines "cruelles" et "inhabituelles"]. Et en endormissant profondément le prisonnier avant de lui administrer le poison, il est censé éviter tout sentiment de culpabilité que l'action d'ôter la vie de façon intentionnelle pourrait susciter dans l'esprit du bourreau ou de la personne réalisant l'injection.

"Je sens tout mon corps brûler"
Mais ces deux piliers du soutien à l'injection létale ont toujours reposé sur une sorte de tromperie. Ce n'est pas parce que les exécutions sont plus "propres" que le mort est moins mort et que ceux qui autorisent l'administration du poison sont moins coupables d'avoir supprimé une vie. C'est la peine capitale en soi qui porte le poids moral. Ce sujet très grave est à nouveau à l'ordre du jour, autant sur le plan légal que sur le plan politique. Des incidents récents ont soulevé de nouveaux doutes sur l'usage de l'injection létale.
La semaine dernière dans l'Ohio, les autorités ont finalement réussi à exécuter un homme, Dennis McGuire, dans des circonstances qui devraient alarmer tous les juges du pays. "McGuire s'est débattu, a suffoqué bruyamment et a étouffé en s'étranglant pendant au moins dix minutes avant de succomber à une nouvelle méthode d'injection létale contenant deux produits", a écrit Alan Johnson, un journaliste qui a assisté à l'exécution pour The Columbus Dispatch. Une semaine plus tôt, les derniers mots de Michael Wilson, condamné à mort par l'Etat d'Oklahoma, avaient été : "Je sens tout mon corps brûler."

Pénurie de produits
Les exécutions par injection létale sont censées inclure des produits tels que le pentobarbital ou le sodium thiopental, qu'il est devenu difficile de trouver aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce qu'une entreprise appelée Hospira, la seule entreprise américaine à fabriquer le thiopental, a cessé d'en produire début 2011 après que certains laboratoires européens ont imposé un embargo sur son importation aux Etats-Unis parce qu'ils s'opposent à son utilisation dans les exécutions. Les réserves de ces "bonnes" injections létales ayant diminué, les Etats qui continuent à appliquer la peine de mort ont dû faire des pieds et des mains pour trouver d'autres produits et d'autres "mélanges". Le résultat a été chaotique.
De toute évidence, ni le cocktail utilisé dans l'Ohio pour exécuter McGuire ni celui qui a été administré à Wilson dans l'Oklahoma n'avaient été testés : aucun contrôle médical ou réglementaire ne garantissait leur efficacité. L'Ohio a mélangé du midazolam, un sédatif, avec de l'hydromorphone, un narcotique puissant. L'Oklahoma a utilisé du pentobarbital, mais c'est une pharmacie spécialisée dans les préparations médicales qui l'aurait fourni. Certaines de ces pharmacies ont été si négligentes quant à la sûreté des produits que le président Obama a été conduit à signer une loi en novembre 2013 pour mieux les réguler.
Tout cela n'a rien de nouveau pour les juges, qui savent depuis des années que des produits non testés et préparés dans des pharmacies sont utilisés dans les exécutions. Les initiatives de certains Etats dépassent le macabre. La Géorgie, par exemple, a fini en désespoir de cause par adopter une loi autorisant l'Etat à dissimuler – même à ses propres juges – la façon dont les produits pour les exécutions sont obtenus.
Dans le Missouri, les avocats d'Herbert Smulls, dont l'exécution est prévue le 29 janvier, ont porté plainte contre le Board of Pharmacy [l'ordre des pharmaciens] de l'Etat au motif que le Missouri enfreint la loi fédérale et la loi de l'Etat en se procurant du pentobarbital dans une pharmacie spécialisée dans les préparations médicales, située dans l'Oklahoma.

Retour au peloton d'exécution ?
Les histoires comme celle de McGuire vont encourager les opposants à la peine de mort à demander de nouveau haut et fort si ces exécutions ne sont pas "cruelles" et ne violent pas le huitième amendement. Mais elles vont aussi mettre en fureur des partisans de la peine capitale, dont beaucoup estiment que le seul but de la procédure devrait être de faire souffrir le condamné avant de le tuer. La famille de Joy, la jeune femme assassinée par McGuire, veut que le monde entier sache que l'"œil pour œil" doit faire mal.
Le plus fascinant dans la pénurie de produits et les combines douteuses pour y faire face, ce n'est pas seulement que les tribunaux vont devoir réexaminer (très vite, à en juger par la liste des exécutions prévues ce printemps) ce qu'ils pensaient il y a quelques années à peine être une pratique plutôt bien réglée.

C'est que certains Etats parlent aujourd'hui d'aller "en arrière". Certains législateurs dans le Wyoming et le Missouri veulent réinstaurer l'option du peloton d'exécution. Pour eux, s'il faut qu'il y ait de la souffrance dans la mort administrée par l'Etat, autant que ce soit à un homme debout devant des fusils qu'à un homme couché sur une table avec une aiguille dans le bras. L'avenir de la peine capitale aux Etats-Unis pourrait donc aussi être son passé.

 Dessin d'Ares
Source Courrier International

jeudi 30 janvier 2014

Billets-Cavanna


Cavanna

Qu'est-ce qu'il nous a fait rire, Cavanna.
Notre vieux Cavanna. Nous sommes quelques-uns à lui devoir beaucoup. Il n'y avait pas moins journaliste que lui et il était un journaliste parmi les plus grands. Il a fondé un journal qui a été plus qu'un journal, qui a été un genre: «Hara Kiri». Là-dessus, il en a fondé un autre, qui fut d'abord «Hara Kiri hebdo», s'ajoutant au mensuel, puis qui fut «Charlie-Hebdo» après que la censure, qui poursuivit Cavanna longtemps, le contraignit à en changer le nom. Et il y eut aussi un genre «Charlie-Hebdo».
Cavanna était un Rital. Enfant d'un immigré, vous savez, un de ces mômes qui font si peur parce qu'ils mettent en péril la race française, polluent son beau parler et bousculent sa douceur de vivre. Après avoir créé les deux journaux, il publia un livre, «Les Ritals», et les Français découvrirent alors qu'il était aussi, en plus d'être le patron de deux journaux de voyous, un écrivain de premier ordre, qui les connaissait, la grammaire et la syntaxe, et qui maîtrisait l'usage des mots. Quelle surprise, n'est-ce pas, il n'était pas allé dans les universités, il se proclamait «bête et méchant», il ne reculait pas devant le mauvais goût, pourvu qu'il eût sa saveur, et voilà qu'apparaissait le Cavanna tendre, le Cavanna courage, de courage il en a toujours débordé.

Il a eu 90 ans. En route, arrivée dans quelques jours, pour les 91 mais les fémurs en ont décidé autrement. Et Parkinson. Parkinson, il le raconte dans son dernier livre, «Lune de miel», et il sait que cette rémission est la dernière. Les fémurs, entre deux cassages, lui ont laissé un répit pour publier, c'était il y a quelques semaines, le recueil «La gloire de Hara Kiri», cette gloire qui était la sienne et qui était d'avoir ouvert les pages de son journal à ce qui s'est fait de mieux, pendant un quart de siècle, en matière de dessinateurs et de dessins.

Qu'est-ce qu'il nous a fait rire, Cavanna. En voilà un qui n'aura pas laissé l'humour, en partant, dans l'état où il l'avait trouvé en arrivant. Il avait enterré Choron. Il avait enterré Fournier, il avait enterré Reiser, il avait enterré Gébé. Enterré Fred et Topor. Il ne nous aura pas enterrés tous. Dommage. C'est lui qui se serait farci les nécros.





Source nouvelobs.com (par Delfeil de Ton)

Infos santé-Soigner les rhumes avec les plantes


Soigner les rhumes avec les plantes

Durant les mois d'hiver, trois personnes sur quatre sont touchées par le rhume, une affection généralement bénigne pour laquelle il existe de nombreuses plantes traditionnellement utilisées.

Mal de gorge, éternuements, congestion et écoulement nasal sont les principaux signes du classique rhume - ou rhinite, une affection respiratoire virale généralement bénigne et qui guérit en une semaine. Se reposer, se mettre à la diète, boire beaucoup d'eau et se laver les fosses nasales sont les recommandations classiques face au rhume. Les antibiotiques sont la plupart du temps inutiles puisqu'ils n'ont pas d'effet sur les virus ou que le degré d'infection ne justifie pas leur recours, réservé aux cas potentiellement plus graves (angines à streptocoques, otites, sinusites...). Certains symptômes doivent amener à consulter, comme une température élevée (39,5 °C), des douleurs persistantes à l'oreille (otite), au visage ou front (sinusite), une toux ou des sécrétions nasales qui durent depuis plus de 10 jours avec des signes d'infection (écoulement épais ou verdâtre), un gonflement du haut du cou, une voix rauque, une gêne respiratoire et des sifflements ou encore des douleurs thoraciques. Chez l'enfant, des pleurs récurrents, une respiration très rapide ou sifflante ainsi qu'une toux grasse doivent également alerter. En dehors de ces signes d'alarme spécifiques, on peut raisonnablement faire appel aux plantes en premier recours pour couper court au rhume dès les premiers frissons ou soulager les maux de gorge ou encore la toux.

  • Dès les premiers frissons
La première chose pour éviter le rhume demeure une parfaite hygiène des mains. Limiter le chauffage, aérer son intérieur, sortir, dormir suffisamment et limiter excès et stress sont d'autres conseils simples pour renforcer l'organisme face aux virus. Deux médecins spécialistes des plantes nous ont livré leur secret pour passer à travers les rhumes. Le Dr Kurt Hostettmann, qui enseigne la phytothérapie dans les universités suisses et chinoises, prend lui chaque matin une infusion de gingembre râpé, un conseil qu'il a rapporté de Chine alors qu'il y séjournait au moment de la grippe A : les autorités chinoises exhortaient alors leur population à consommer du gingembre pour se protéger. "Alors que je voyage beaucoup, confie-t-il, avec parfois de gros écarts de température, je n'ai plus ni rhume ni grippe, je passe entre les virus !"
Dès les premiers frissons, le Dr Jean Christophe Charrié, médecine généraliste, enseignant en phytothérapie et auteur de Se soigner toute l'année au naturel (éd. Prat), ne jure lui que par une tisane citron-cannelle : dans l'équivalent d'une tasse et demi d'eau, faire bouillir un citron non traité coupé en deux ainsi qu'un bâton de cannelle puis écraser le citron à la fourchette, filtrer et boire bien chaud sans sucre, deux à trois tasses par jour pendant deux à huit jours. Pour renforcer l'effet, si on a un peu de fièvre, on peut aussi ajouter 3 à 4 clous de girofle et une pincée de thym. D'autres plantes en infusion sont régulièrement citées pour enrayer ou atténuer les premiers symptômes : les feuilles de cassis, l'aigremoine (utile en cas de grippe), l'échinacée, l'eucalyptus, le romarin, le cyprès ou encore le sapin. Le recours aux huiles essentielles aidera aussi l'organisme à mieux résister aux virus. Ainsi quelques gouttes d'huile essentielle de ravintsara (Cinnamomum camphora) inhalées sur un mouchoir, déposées sur un col de vêtement pour se protéger des virus la journée ou encore le soir sur l'oreiller en cas de rhume, seront déjà un soutien efficace. Pour assainir une pièce ou la chambre d'un malade, optez pour une diffusion d'huile essentielle d'eucalyptus (Eucalyptus globulus), de lavande, de thym ou de pin (Pinus sylvestris). Enfin des mélanges à base d'huiles essentielles existent en pharmacie pour des prises orales ou encore des inhalations à faire deux à trois fois par jour pour désinfecter l'appareil ORL.


  • Adoucir la gorge
Ronce, mauve, guimauve, bouillon-blanc ou encore coquelicot..., toutes ces plantes sous forme d'infusion ou de gargarisme permettent d'adoucir la gorge et de calmer les irritations. La ronce est ce petit arbuste épineux qui offre de délicieuses mûres à la fin de l'été. Il faut cueillir ses feuilles les plus hautes. Les citadins pourront aussi s'en procurer en pharmacie. Dioscoride vantait déjà l'efficacité de ce puissant anti-inflammatoire et anti-infectieux dans les affections de la gorge en gargarisme ou en tisane. Pour augmenter les propriétés adoucissantes et anti-infectieuses on peut ajouter à la tisane de ronce de la mauve (feuilles ou fleurs) ou encore du bouillon-blanc, efficace également en cas de grippe et contre certaines bactéries. Si la douleur est très vive, quelques clous de girofle (3 ou 4) dans cette tisane, apporteront un effet anesthésiant tout en renforçant l'action anti-inflammatoire et anti-infectieuse. Enfin localement, pensez aux pastilles d'eucalyptus ou au spray de propolis, un produit de la ruche hors pair contre les virus et pour soulager les maux de gorge.

  • Calmer la toux
Quand l'appareil respiratoire est irrité, la toux permet d'éliminer les sécrétions des bronches et de faciliter la respiration. Cette réaction normale, si elle est passagère, peut être améliorée par les plantes en les choisissant selon que la toux est sèche ou grasse. L'inhalation, l'humidification de l'air, l'arrêt du tabac et la mise à la diète en évitant les produits trop gras et sucrés sont aussi des réflexes salutaires pour calmer la toux. Lors des toux grasses on peut se procurer en pharmacie des feuilles de lierre grimpant (et non la plante entière), la primevère officinal ou le sureau noir pour réaliser des infusions tandis que bouillon-blanc et guimauve accompagnent plus spécifiquement les toux sèches. Le miel a également des vertus adoucissantes reconnues. Préparé avec un jus de citron et de l'eau chaude, il peut soulager les irritations légères. Si la toux persiste ou qu'elle est très pénible et s'accompagne de fièvre, il faut bien sûr consulter. En attendant, le Dr Charrié propose une tisane "aux 7 fleurs" convenant aux toux sèches et grasses : "Mélanger à parts égales des fleurs de mauve (Malva sylvestris), de guimauve (Althaea officinalis), de pied de chat (Gnaphalium dioicum), de bouillon-blanc (Verbascum thapsus), de tussilage (Tussilago farfara), de coquelicot (Papaver rhoeas) et de véronique (Veronica officinalis). Prendre une cuillère à café bombée par tasse, laisser infuser 10 à 15 minutes, filtrer et boire une à cinq tasses par jour selon la toux". 

mercredi 29 janvier 2014

Infos santé-Les médicaments contre le rhume peuvent être dangereux


Les médicaments contre le rhume peuvent être dangereux

"Leurs contre-indications et risques d'effets indésirables sérieux sont trop nombreux", met en garde le magazine "60 millions de consommateurs".

Nez qui coule ? Bouché ? Mal à la tête ? Vous sentez le rhume et vous envisagez de vous diriger vers la pharmacie la plus proche en quête d'anti-rhume ? Arrêtez-vous tout de suite ! Selon le magazine 60 millions de consommateurs, la plupart de ces médicaments, disponibles sans ordonnance, sont inefficaces. Et la moitié d'entre eux pourraient même être dangereux.
"Un bon nombre d'entre eux, notamment parmi les plus vendus, n'ont pas leur place en automédication car leurs contre-indications et risques d'effets indésirables sérieux sont trop nombreux", explique 60 millions de consommateurs. Le magazine estime que ces médicaments devraient être interdits sans ordonnance, certains d'entre eux ne sont pas compatibles avec d'autres médicaments. Or les consommateurs s'en soucient assez peu lorsqu'ils rentrent chez le pharmacien. Et ce dernier ne leur pose pas toujours la question.

  • Quatorze médicaments à éviter
La Dépêche du midi, qui a eu accès à l'enquête, liste les 14 médicaments à éviter :
Les Humex Lib®, Drill Rhume® et Fervex sans sucre® contiennent des antihistaminiques, contre-indiqués dans certains glaucomes et en cas de troubles urinaires d'origine prostatique. Ils exposent à des risques de somnolence.
Les Actifed Rhume jour et nuit®, Humex Rhume®, DolirhumePro®, ActifedRhume®, Dolirhume® et Rhumagrip® "exposent à des risques d'AVC ou neurologiques sévères". Ils seraient trop risqués pour un simple rhume.
L'Hexarhume® est inutile et peut aussi être risqué pour la santé. Cet antihistaminique d'ancienne génération contient aussi un vasoconstricteur et un antiseptique "irritant et allergisant". Le Rhinédrine rhume® est également déconseillé.
Les RhinAdvil rhume®, Nurofen rhume® et Rhinureflex®, contenant de l'ibuprofène, peuvent provoquer des troubles digestifs, des ulcères à l'estomac ou des troubles dermatologiques.

  • Pas besoin de médicaments
Déjà en 2012, l'Agence nationale de sécurité du médicaments avait signalé "une persistance des effets indésirables cardiovasculaires et neurologiques, exceptionnels mais graves". Celle-ci ajoute qu'un rhume se guérit spontanément en 7 à 10 jours sans traitement.
Si votre nez bouché vous exaspère, 60 millions de consommateurs fait tout de même remarquer que les enrhumés peuvent utiliser les lavages de nez au sérum physiologique ou à l'eau de mer sans hésitation.


Billets-Daft Punk vs culture subventionnée


Daft Punk vs culture subventionnée

Dimanche était un grand jour pour deux musiciens français, les Daft Punk. Nommés dans cinq catégories aux Grammy Awards – l’équivalent des Oscars de la musique – pour leur dernier album Random Access Memories, ils on raflé tous les prix, couronnant ainsi une carrière lancée voici une vingtaine d’années. Le lendemain matin, au réveil, un concert de louanges accueillait les deux membres du groupe, Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter, tous deux membres actifs du mouvement de la French Touch, la branche française de la house music. Désormais mondialement connus, adulés par des fans toujours plus nombreux, séduits par leurs créativité musicale, les Daft Punk se sont aussi lancés dans la production et ont révélé voici quelques années Kavinsky dont la musique a été popularisée par le film de Nicolas Winding Refn, Drive en 2011.

Dès lors, parmi les hommages rendus dans la foulée de ce triomphe aux Grammy Awards, on note celui de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, qui vante le mérite des deux hommes. Après les félicitations d’usage, elle a ajouté le commentaire : « Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo sont les fers de lance de la French touch appréciée du monde entier. Daft Punk incarne l’essor de la musique électronique à la française. »

Oui mais voilà. Pour le public et les observateurs attentifs, Daft Punk constitue l’antithèse de la culture prônée par la gardienne de l’exception culturelle française. Je m’explique. Produits à leurs débuts par des petits labels, Daft Punk reste aussi un symbole de la musique indépendante, bien loin de la culture subventionné dont on cherche à nous abreuver en permanence. Le label et les producteurs qui ont lancé le groupe ont pris un risque qui aurait très bien pu s’avérer perdant. Au lieu de cela, le public, les critiques, qui ont jugé l’œuvre, ont décidé – sans pression aucune – que cette musique devait exister. On appelle cela la loi du marché, parfois cruelle.


Il est d’ailleurs étrange que Mme Filippetti se réjouisse de ce succès tant elle essaie de contrecarrer la propagation de nouvelles œuvres que ce soit en prolongeant l’existence de l’HADOPI, cette agence qui est supposée lutter contre le piratage de contenus à caractère culturel, ou en restreignant l’offre proposée par le site de vente en ligne Amazon, accusé de faire de la concurrence déloyale aux libraires traditionnels. Il serait utile de rappeler au ministère que les subventions au cinéma, à la presse ou encore au spectacle vivant sont loin de favoriser l’émergence de talents nouveaux : au contraire, ils maintiennent sous perfusion des secteurs moribonds, les empêchant de produire une mutation nécessaire.

Au-delà de l’aspect financier, nos ministres de la culture successifs devraient finir par comprendre, que par le passé, sans leur aide et leurs lois compliquées, la France a abrité – et continue à le faire d’ailleurs – une culture riche et diversifiée, reconnue partout dans le monde. Une preuve s’il en est besoin que la culture par l’État n’aura jamais l’éclat et la renommée de celle promue par des milliers d’individus libres.


Source contrepoints.org

mardi 28 janvier 2014

Billets-Entretien avec Alain Laurent.


Entretien avec Alain Laurent

Le libéralisme est une philosophie, pas une idéologie.
Alain Laurent, l’encyclopédiste du libéralisme, est un homme tranquillement assuré de ses convictions. Philosophe et historien des idées, il dirige les collections « Bibliothèque classique de la liberté » et « Penseurs de la liberté » aux Belles Lettres. Coauteur, avec Vincent Valentin, d’une considérable anthologie intitulée « Les penseurs libéraux », il vient de publier « En finir avec l’angélisme pénal ». On recommandera vivement « La société ouverte et ses nouveaux ennemis », critique lucide et argumentée du multiculturalisme.

  • Le Point : Le libéralisme n’a pas bonne presse en France. On l’accuse d’être l’idéologie des possédants qui cherchent à légitimer leur richesse. Vous-même, vous êtes plutôt héritier ou plutôt boursier ?
Alain Laurent : Ce genre de déterminisme sociologique fait sourire le fils d’un ouvrier électricien et d’une femme de ménage que je suis. D’abord élève d’une école normale d’instituteurs, puisque c’était ma seule chance d’emprunter l’ascenseur social, j’ai bifurqué pour aller en Sorbonne étudier la philosophie et ensuite l’enseigner, puis faire une thèse de sociologie. Pour en revenir au libéralisme, ce n’est nullement en principe une idéologie de classe, mais une philosophie laissant les individus libres d’agir dans le cadre de l’Etat de droit. Elle encourage la coopération volontaire et la responsabilité personnelle : chacun doit recevoir la récompense de ses choix judicieux mais aussi assumer ses échecs, ses erreurs. Idéalement, le libéralisme vise une meilleure distribution primaire des revenus, tellement plus favorable au bien être général que le fanatisme de la redistribution, qui spolie et décourage les classes moyennes. Tel que je l’entends, il n’a aucune responsabilité dans la cupidité des traders et de quelques grands patrons avides de retraites-chapeaux, qui exploitent l’économie de marché. C’est un mauvais procès qu’on lui fait.

  • Mais cette passion pour la pensée libérale, elle vous est venue quand et comment ?
Vers la fin de sa présidence, Valéry Giscard d’Estaing avait lancé le slogan du « libéralisme avancé ». A l’époque, le libéralisme n’intéressait presque personne. Alors j’ai voulu aller voir de quoi il retournait exactement sur le plan des idées. Dans un premier temps, c’est à l’individualisme que je me suis intéressé. La tradition sociologique française, de Durkheim à Bourdieu, est dominée par des pensées holistes. Elles font de l’individu un sous-acteur social sans consistance, mû de l’extérieur, irresponsable, conditionné ou aliéné… Dans mes premiers travaux, j’ai cherché à réencastrer le social dans les relations interindividuelles et redonner droit de cité au primat de l’indépendance individuelle, en redorant le blason de l’« individualisme libéral ».

  • De nombreux penseurs (de Serge Audier à Michel Guénaire) critiquent en ce moment le libéralisme économique afin de mieux défendre le libéralisme politique. Au vu des responsabilités de la finance dans la crise, cela vous paraît-il avisé ?
Mais non ! C’est de l’hémiplégie intellectuelle. La liberté économique et la liberté politique sont indissociables. Contrairement à une légende ressassée, les pères fondateurs du libéralisme politique, comme Benjamin Constant, étaient également des défenseurs du libéralisme en économie. Le libéralisme est né du souci de libérer l’individu des entraves que les pouvoirs, tant politiques que religieux, faisaient peser sur son autonomie. Comment être politiquement libre, lorsqu’on dépend économiquement de l’Etat pour son emploi, son logement, ses vacances… comme dans l’ex-URSS ? Tout le monde doit avoir droit aux bienfaits d’une économie libre. Et un peu partout, un nombre croissant de gens y aspirent d’une manière irrépressible. Quant au rôle de la finance dans la crise, faut-il rappeler que Freddie Mac et Fanny Mae, qui sont à l’origine de cette crise, étaient deux organismes semi-publics ? A ce stade de la crise, le problème n’est pas la finance, mais bien les dettes publiques. Il est tout de même aberrant de voir « l’ultralibéralisme » mis en cause dans un pays où l’Etat dépense 57 % du PIB…

  • Sans doute, mais une bonne part de ces dépenses est destinée au financement de l’Etat-providence, auquel la plupart des Français sont attachés.
L’Etat-providence à la française est condamné. Il va mourir de son obésité. Il est condamné économiquement, parce que, financé à crédit, il s’achève inéluctablement en féroce répression fiscale. Et il n’est plus soutenable moralement parce qu’il déresponsabilise et anesthésie une masse toujours croissante d’assistés auxquels on dénie toute dignité individuelle. La catastrophe approche très rapidement. Aux libéraux d’en faire une opportunité de rebond.

  • Reconnaissez que le contexte politique actuel n’est guère favorable aux libéraux.
Mais l’opinion publique est en train de nous rejoindre sur bien des sujets — sans savoir pour autant que ces solutions qui vont s’imposer sont des solutions libérales. Le socialisme déchaîné est en train de provoquer des révoltes spontanées contre une fiscalité devenue folle — et aussi des réglementations bureaucratiques paralysantes, des interventions étatiques contre-productives. Le libéralisme ne gagnera cependant la partie qu’en parvenant à démontrer concrètement aux salariés modestes qu’il est de leur intérêt que l’Etat cesse de bloquer l’activité économique dans notre pays. Quant aux rares politiciens qu’on pourrait considérer comme plus ou moins libéraux, je leur reproche de se montrer sourds à la dégradation de la vie quotidienne de nos concitoyens les moins favorisés. Confrontés à l’insécurité, ceux-ci sont déstabilisés par une immigration déferlante, par la halalisation de quartiers entiers. Les libéraux seraient bien avisés de s’inspirer de ce que disent Michèle Tribalat, Alain Finkielkraut ou Philippe Bilger.

  • Mais du côté des intellectuels, vous ne faites pas le plein non plus. Où sont les Aron, les Hayek, les Boudon d’aujourd’hui ?
Ailleurs, ce n’est pas moins le grand vide ! Et même s’il n’en est pas un théoricien novateur, Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de littérature 2010, illustre mondialement et avec éloquence les valeurs classiques du libéralisme.



Source institutcoppet.org (Propos recueillis par Brice Couturier)

dimanche 26 janvier 2014

Billets-Eric Hazan le guetteur d’insurgés


Eric Hazan le guetteur d’insurgés

Eric Hazan. Ce chirurgien devenu éditeur a publié le manifeste du Comité invisible, censé être la bible de l’ultra-gauche. Lui-même théorise la «guerre civile».
D'un coup, on a le sentiment de plonger dans l'inconnu. De s'embarquer pour une contrée qu'on croyait enfouie. De poser une question hier interdite : l'illégalité, la possibilité de la violence politique, la politique comme guerre civile. «Dans la guerre civile en cours, dit Eric Hazan, avec mes faibles moyens, je me bats pour mon camp. Le camp des opprimés.» La question était : est-il révolutionnaire ?

Dans un beau rez-de-chaussée du XXe arrondissement, le Paris populaire et bobo, il a pris le temps de mûrir chaque mot. Au fond du salon, le mur est tapissé de livres d'art, comme ceux que publiait son père. Les esprits forts trouveront confirmation que les révolutions naissant souvent dans des salons où rôde la figure paternelle, mais est-ce le sujet ?

Longtemps, le nom d'Eric Hazan est resté lié aux éditions paternelles. Il y a dix ans, il a créé sa propre maison, la Fabrique. Bouts de ficelles, reconnaissance dans le milieu, mais la notoriété est venue avec l'Insurrection qui vient, manifeste mi-situationniste mi-altermondialiste dont la police attribue la rédaction à Julien Coupat, le jeune homme accusé d'avoir saboté les caténaires du TGV Paris-Lille. «Le livre a été écrit par un collectif. Je ne les connais pas tous.» La police n'a pas sonné à l'heure du laitier, la justice n'a pas saisi le contrat. «D'ailleurs, il n'y en a pas. Ni de droits d'auteur. La seule chose qu'ils demandaient, c'est d'avoir des exemplaires gratuits.» Julien Coupat «est un ami» et il le croit innocent, «pour trois raisons». «Une raison politique : un tel sabotage, ex nihilo, sans aucun mouvement social, serait idiot et Julien Coupat est tout, sauf un idiot. Une raison pratique : de l'aveu même des responsables de la SNCF, il suppose une technique que Coupat ne maîtrise pas. Enfin, il était suivi depuis des semaines et voilà que, justement, au moment précis où on aurait pu le prendre sur le fait, on le perd.»

C'est dit tel que. Structuré. Serré. Pas un mot de trop et zéro pathos («l'indignation n'est pas un sentiment politique»), même si la conclusion est un poil complotiste : «Pour moi, c'est un montage policier.» Surtout, c'est dit par un intellectuel qui espère lui-même l'insurrection. Pull et jeans, bouille de lutin. Un sourire féminin. 72 ans et un regard d'enfant. «Je suis sur mon élan, je continue.» L'hiver, à Paris, il circule à vélo. Grimpe le Ventoux chaque été, un «effort solitaire jouissif». Eric Hazan n'est pas un homme de bandes, de relations, de services rendus. Plutôt chef d'équipe, vif, séducteur, pas très attentif aux dégâts qu'il peut causer. Et s'il est entouré, c'est d'abord par des femmes, qui se renouvellent, le rajeunissent. Quatre d'entre elles lui ont donné cinq enfants. L'aîné a 48 ans, le dernier 6. De ce côté-là, il tient du coq.
Politiquement aussi, il veut être celui qui chante le premier, dès l'aube. En 1956, à 20 ans, il démissionne du PCF à cause des pleins pouvoirs votés à Guy Mollet. Il portera les valises pour le FLN, manifestera pour le Vietnam, et, dans les années 70, ira opérer au Liban à la demande de l'association médicale franco-palestienne fondée par le rhumatologue Marcel-Francis Kahn. A l'époque, il est un chirurgien réputé, spécialisé dans la chirurgie cardiaque infantile. «Une discipline très difficile : on voit forcément mourir des gosses sous son bistouri», raconte Marcel-Francis Kahn. Ce métier, il l'a choisi pour son père, Fernand Hazan, né au Caire, créateur en 1932 des éditions de Cluny (une collection de poche avant la lettre), exproprié parce que juif, fondateur des éditions Hazan après la guerre. Son père qui était devenu figure du monde de l'art, jamais satisfait des résultats scolaires de son fils. Lorsqu'on lui demande s'il en était proche, il répond après un long silence : «Non.» Cicatrice, nette et sans bavure, mais indélébile.

En 1983, le père part à la retraite et le fils raccroche le bistouri pour reprendre la boutique. Un œil d'aigle, paraît-il, pour dégoter les meilleurs fabricants, choisir les plus beaux papiers, commander les textes les plus intelligents. Les livres sont sa vie : fou de Paris, il a calculé qu'il lui faudrait trois vies pour lire tous les ouvrages rassemblés à la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Mais l'Histoire, chez Hazan, est peuplée de fantômes : l'âme errante des révolutions interrompues. Compulsif est son besoin de feuilleter les grandes pages révolutionnaires, de publier deux daguerréotypes de 1848, d'exhumer des textes de révolte. Il signe ses traductions Michel Luxembourg, à cause de Louise Michel et Rosa Luxembourg : la révolution appartient aux figures de la féminité.

Fin janvier, la Fabrique fêtera ses dix ans à Beaubourg. Des petits livres, sobres et soignés, qui ont ouvert la voie à un renouveau de l'édition engagée. Au catalogue, Marx, Fourrier, Depardon, la Cimade, le philosophe Jacques Rancière (auteur-phare de la maison) et beaucoup de titres sur le conflit israélo-palestinien, d'Amira Hass (Boire la mer à Gaza) à Norman Finkelstein (l'Industrie de l'Holocauste). Une obsession ? «En tant que juif, les crimes qui sont commis là-bas sont commis en mon nom.» Faudrait-il que les musulmans du monde entier se sentent responsables de Ben Laden (et les catholiques de folies de l'IRA, les protestants de la croisade meurtrière du born again George Bush) ? «A chacun de voir.» Etre juif, il dit ne pas savoir ce que c'est, sinon d'avoir passé la guerre réfugié dans le Sud, privé d'école, ses parents confrontés à la sourde hostilité des autorités françaises : «On a eu beaucoup de chance.» Mais, juste après avoir dit qu'«il n'y a pas de peuple juif, pas d'essence juive», le voilà qui choisit sa filiation : «Dans la diaspora juive ouvrière française, il y avait une tradition révolutionnaire. A Belleville, la devise du syndicat des casquettiers était en yiddish.»

Dans son dernier essai, Changements de propriétaire, la guerre civile continue, il imagine des émeutes qui renversent le pouvoir en 2011. «Le sarkozysme a changé quelque chose. Je pense qu'on va au-devant d'événements dont on ne peut prévoir ni la date, ni le mode de déclenchement.» C'est là que la question de la violence devient concrète. «La violence, on en parle quand elle est mise en œuvre par les opprimés : les roquettes du Hamas ou les casseurs de fin des manifestations en France. Mais la violence qui est faite par l'appareil d'Etat français contre la jeunesse populaire, les sans-papiers, les sans-abri, cette violence tangible, on ne la qualifie jamais de violence.» Diagnostic impeccable, mais on se demande ce que vient faire la Palestine. Des attentats-suicide, il «condamne l'acte, pas celui qui le commet, parce que les Palestiniens sont poussés au désespoir. Je suis contre la bombe dans le café, mais s'il faut se battre, on se bat : c'est autre chose». Alors, l'inconnu se fait connu et réveille les vieux dilemmes de la gauche : réforme ou révolution, compromis ou radicalité, les urnes ou la rue.
«Si on fait la révolution, le pouvoir nous imposera la violence, comme il l'a toujours fait.» Pourquoi faudrait-il faire la révolution demain comme hier ? Un guetteur d'insurrection ne doit-il pas se déprendre des traditions, y compris révolutionnaires ? «C'est à la jeunesse de préparer l'avenir. Le rôle de ma génération, c'est le travail de sape.» C'est la seule réponse où il se pare de son âge.

1936 Naissance à Paris.
1946 Son père fonde les éditions Hazan.
1983 Abandonne la chirurgie et reprend la maison paternelle.
1999 Crée les éditions la Fabrique.
2002 L’Invention de Paris(Seuil).
2004 Chroniques de la guerre civile (la Fabrique)
2005 Faire mouvement (Prairies ordinaires).
2007 Publie l’Insurrection qui vient, signé par le Comité invisible.
2008 Changement de propriétaire, la guerre civile continue
2011 L'Antisémitisme partout. Aujourd'hui en France
2012 Une histoire de la Révolution française
2013 Premières mesures révolutionnaires : après l’insurrection
2013 La Barricade : histoire d'un objet révolutionnaire


Source liberation.fr

samedi 25 janvier 2014

Billet-Parlez-vous la novlangue socialiste?

Parlez-vous la novlangue socialiste? 


Source lefigaro.fr

vendredi 24 janvier 2014

Billets-Internet au bureau : la pause cachée


Internet au bureau : la pause cachée

Envie de s'évader au boulot ? Hop, un petit tour en douce sur YouTube, une chanson sur Deezer… Ces pratiques affectent-elles vraiment la productivité ?

C'est le cauchemar des responsables de ressources humaines et le genre de témoignage qui s'arrache comme un aveu : un financier d'une entreprise de développement durable qui rattrape les épisodes de Game of thrones au bureau à l'heure du déjeuner. Un chercheur du CNRS qui regarde toute la journée des clips sur YouTube en attendant le résultat de ses expériences de laboratoire. Un commercial de société viticole qui télécharge illégalement des albums et des films sur son ordinateur professionnel. Sans compter la foultitude de camarades publicitaires, architectes ou journalistes (on ne donnera pas de noms !) qui ne travaillent jamais mieux qu'avec un casque audio sur les oreilles – la faute aux bruits parasites de l'open space –, inspirés par le dernier album d'Etienne Daho ou d'Arcade Fire…

Sur Spotify, dix-huit millions de chansons sont écoutées chaque jour en streaming entre 16 et 17 heures. Le pic d'audience mondial se situe le jeudi après-midi, où les salariés – « fatigués par la semaine », suggère une responsable du site – peaufinent leur playlist du week-end. On peut crier au scandale de la glande au bureau. Ou se féliciter au contraire qu'on y découvre enfin des artistes ! Et si l'open space était devenu le nouveau lieu de la culture clandestine ?

Spécialisée dans le filtrage Internet, l'entreprise Olfeo calcule qu'un salarié passe en moyenne cinquante-trois minutes par jour sur Internet au bureau pour un usage personnel – l'équivalent de « six semaines de congés en plus » sur l'année ! En tête des sites les plus visités en douce, Facebook et YouTube, mais aussi le site de France Télévisions, qui entre cette année dans le Top 20.

La consommation de vidéos en streaming concerne souvent le sport ou le divertissement – la dernière demi-finale de Roland-Garros, entre Tsonga et Ferrer, a attiré cinq cent mille internautes, en direct, un vendredi après-midi – mais de plus en plus de documentaires ou de séries sont également visionnés dans la journée. En 2013, le nombre de vidéos consultées en rattrapage sur le site d'Arte a augmenté de 41 % (en tête, la série Real Humans, avec trois cent vingt mille visionnages, devant Top of the lake et le documentaire The Gate­keepers). Bien sûr, dans le lot, il doit aussi y avoir des chômeurs, des parents au foyer, des travailleurs de nuit…
Est-ce légal ? La plupart des sociétés autorisent une consommation « raisonnable » d'Internet pour usage personnel, mais bloquent en parallèle certains sites. Impossible de se connecter à Deezer quand on travaille chez EDF. Les financiers de BNP-Paribas n'ont quant à eux le droit de surfer sur Facebook et YouTube que pendant la pause déjeuner et après 18 heures.

Créée il y a dix ans, la société Olfeo filtre aujourd'hui deux millions de salariés français, principalement employés dans de grandes entreprises (Air France, Sodexo, ING Direct…), des hôpitaux, des municipalités… Mais si la connexion est bridée, rien n'empêche de contourner les logiciels de filtrage et les pare-feux, voire d'écouter de la musique directement sur son téléphone (en octobre dernier, la cour d'appel de Colmar a jugé que cette pratique ne constituait « ni une faute grave ni une cause sérieuse de licenciement »).

De fait, l'usage se répand dans les bureaux, où l'on peut boucler son dossier comptable ou son PowerPoint en écoutant Stromae ou Rihanna. Certains DRH admettent que la musique peut avoir des vertus stimulantes, même si le fameux « effet Mozart » (écouter Mozart rendrait intelligent), très à la mode dans les années 90, est aujourd'hui largement contesté.

Dans un communiqué, Spotify s'appuie sur les travaux d'une chercheuse anglaise pour promouvoir des playlists adaptées au travail, jurant que Miley Cyrus et Justin Timberlake ont « un effet relaxant, propice aux pensées logiques » (sic). Est-ce que ça marche aussi pour Je ne veux pas travailler, de Pink Martini, et Don't talk to me about work, de Lou Reed ?


jeudi 23 janvier 2014

Billets-Oliver Sacks


Oliver Sacks

Atteint d'un mélanome oculaire, le neurologue et écrivain Oliver Sacks raconte sa chute dans la cécité dans le bouleversant "L'oeil de l'esprit" (Seuil).

Sacks est l'Einstein du cerveau. Depuis quarante ans, il en explore les arcanes, les pathologies, les résiliences aussi, car chez ce neurologue génial il y a aussi du Cyrulnik. Grâce à lui, on sait enfin ce qui se passe sous notre crâne quand on écoute de la musique (Musicophilia), quand on parle (Des yeux pour entendre. Voyage au pays des sourds), quand on sent (L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau) ou quand on marche (Sur une jambe). C'est toute l'humanité souffrante et combative que Sacks a fait défiler avec ses célèbres "cas", qui sont à la neurologie ce que les patients de Freud furent à la psychanalyse.
Mais le savant est un homme comme les autres : un mélanome oculaire lui a fait perdre la vision de l'œil droit, son meilleur œil, en 2009. Par la force des choses, Sacks est devenu son propre cas. De même que la tumeur gagne sa rétine, l'autobiographie envahit peu à peu cet Œil de l'esprit consacré à la vue et à ses dysfonctionnements lourds. "Le livre a été conçu et écrit à partir du moment où mon œil droit a été malade", explique Oliver Sacks, qui a bien voulu nous répondre d'un lit d'hôpital. L'œil a toujours été chez lui un point faible : "Dans mon enfance, je souffrais déjà de violentes migraines ophtalmiques." Mais de cette faiblesse il avait su faire une force : "Ces migraines m'ont incité très tôt à me pencher sur le cerveau et sa construction de la vision. Derrière une apparente simplicité et unité, il y a une complexité que la maladie révèle."
Dans L'œil de l'esprit, Sacks décrit encore quelques coups durs de vision ravagée puis rédimée, autant de preuves de notre incroyable capacité de régénération. Mais quand il décrit avec la précision d'un laser les handicaps, les bizarreries de sa nouvelle vie, le scientifique est nu : ce qui valait chez ses patients ne vaut pas pour lui. Avec ce journal oculaire, Sacks livre les pages les plus émouvantes de son œuvre, avant de prendre du recul dans un ultime chapitre consacré à la puissance de l'imagerie visuelle, l'"oeil intérieur" des aveugles. Une façon pudique d'anticiper l'avenir ? Espérons qu'Oliver Sacks n'a pas écrit là son dernier livre.

Un monde inférieur
J'ai vu qu'une énorme opacité noire comparable à une amibe pourvue de pseudopodes obscurcissait en partie ma vision centrale. Cette masse semblait se dilater, se contracter et pulser - mais son bord était aussi tranchant qu'une lame de rasoir. Quand j'ai porté mon index à sa hauteur, ce doigt a disparu aussi vite que si je l'avais enfoncé dans un trou noir ; puis, quand je suis allé contempler mon reflet dans la glace de ma salle de bains, je n'ai pas pu voir ma propre tête de l'œil droit : seules mes épaules et l'extrémité de ma barbe étaient visibles - j'écris de même ces lignes sans voir le capuchon de mon stylo.
Lorsque je suis sorti le lendemain matin, je ne voyais que les moitiés inférieures des passants. Je me suis rappelé que, dans Ulysse, Joyce dépeint le signor Almidano Artifoni comme une paire de "robustes pantalons" qui trotte dans Dublin : les rues regorgeaient de jupes et de pantalons, de jambes et de hanches qui se déplaçaient sans leurs moitiés supérieures. (Les jours suivants, je n'ai plus vu que des pieds : le scotome avait encore grandi.).

"À travers ma coque oculaire"
Une autre bizarrerie me frappa le lendemain ou le surlendemain de cette séance de laser de juin 2007. Après avoir regardé les étagères de ma chambre à coucher pendant quelques minutes puis fermé les deux yeux, je vis durant dix ou quinze secondes les moindres détails des centaines de livres disposés sur ces rayonnages : presque aussi bien que si je les avais réellement perçus. Il ne s'agissait plus d'un remplissage, mais de quelque chose de tout à fait différent - d'une persistance visuelle similaire à celle dont j'avais fait l'expérience à l'hôpital lorsque, dix-huit mois plus tôt, j'avais cru voir le lavabo si distinctement "à travers" ma coque oculaire.
La perte de la vision centrale de mon œil droit équivalait peut-être au port d'une coque postopératoire en cela qu'elle privait semblablement mon cerveau d'informations perceptuelles : tout semblait indiquer que mon cortex visuel était désormais tellement excité ou était devenu si sensible qu'il était dégagé en partie des contraintes purement perceptuelles auxquelles il avait été soumis jusqu'alors.
Je refis une expérience similaire lorsque, quelques jours plus tard, je parvins à proximité d'un carrefour très passant : non seulement ce lieu grouillait de bicyclettes, de voitures et de bus, mais une foule de gens s'y croisaient. Quand je fermai les yeux une minute, je continuai à "voir" cette scène complexe, avec la totalité de ses couleurs et de ses mouvements, aussi clairement que si j'avais gardé les yeux ouverts.
J'en fus d'autant plus surpris que mes capacités de visualisation sont des plus maigres en temps ordinaire : j'ai du mal à faire surgir en moi le tableau mental du visage d'un ami, de ma salle de séjour ou de quoi que ce soit. Or la persistance visuelle à laquelle je venais d'être sujet était richement détaillée sans que je l'aie voulu en rien : elle l'était beaucoup plus que n'importe quelle image volontaire. Elle comprenait tant de détails que j'avais pu voir les couleurs de voitures auxquelles je n'avais prêté aucune attention consciente - j'avais même lu quelques-unes de leurs plaques minéralogiques.

"Le sphinx"
Je me regarde dans une glace, vois des taches sur mes vêtements et tente de les brosser, puis je finis par m'apercevoir que c'est la surface même de cette glace qui est tachée. Une confusion similaire m'a fait croire en février qu'il neigeait dans ma cuisine car ce qui se trouvait "à l'extérieur" de la fenêtre ne m'avait pas paru plus éloigné que l'"intérieur" de la pièce (...).
La vision stéréoscopique à distance a sans doute une moindre importance immédiate ; pourtant, mon impossibilité d'évaluer la distance est à l'origine de doutes profonds, si absurdes que puissent être les illusions auxquelles ces incertitudes renvoient. Dans la nouvelle d'Edgar Allan Poe intitulée Le sphinx, le regard du narrateur tombe sur une gigantesque créature en train de dévaler les pentes d'une colline lointaine ; il comprend plus tard seulement qu'il n'a vu en réalité qu'un minuscule insecte qui évoluait sous son nez ou presque. Cette histoire m'avait paru un peu tirée par les cheveux jusqu'à ce que je perde la stéréoscopie, mais je suis maintenant constamment sujet à des expériences de ce genre - l'autre jour, j'ai vu une peluche sur mes lunettes et j'ai essayé de l'épousseter ; j'ai compris par la suite que cette "peluche" était une feuille tombée sur le trottoir. (...).
Mon incapacité de voir la profondeur ou la distance m'incite à combiner ou regrouper les objets proches et lointains en d'étranges hybrides ou chimères. Près d'Union Square, j'ai repéré un homme qui traversait une rue, un énorme échafaudage sur les épaules : il est fou de porter une charge aussi lourde, ai-je songé avant de comprendre que cet échafaudage était derrière lui, à 3 mètres de son corps - c'était un autre regroupement. Une autre fois encore, j'ai cru que l'échelle d'un véhicule de pompiers était empalée sur le toit de ma voiture : en réalité, ce camion était derrière elle, 3,50 mètres plus loin. J'ai beau savoir que ce sont des illusions ou bouger la tête pour me le démontrer au moyen de la parallaxe du mouvement, cela ne fait guère de différence, curieusement.

"Loin des yeux, loin du cœur"
J'avais déjà perdu la vision centrale d'un œil, il m'était resté suffisamment de vision périphérique pour que je puisse être averti de ce qui se passait de ce côté ou le deviner... mais, désormais, j'ai même perdu cela. Comme je ne perçois plus rien ici, tout ce qui entre dans mon champ visuel à partir de ce côté est inattendu et surprenant : chaque fois que des personnes ou des objets apparaissent soudain à ma droite, je ne puis m'empêcher d'être stupéfié, voire en état de choc. Non seulement une tranche massive d'espace n'existe plus pour moi, mais l'idée même qu'il pourrait y avoir quoi que ce soit dans cet espace m'est devenue inconcevable.
Les neurologues parlent dans ce cas de "négligence unilatérale" ou d'"hémi-inattention", mais ces termes techniques ne reflètent pas la bizarrerie de cet état. Des années auparavant, l'une de mes patientes victime d'un accident vasculaire cérébral qui lui avait lésé le lobe pariétal droit m'avait donné l'occasion d'observer une stupéfiante "négligence" de son côté et de son hémi-espace gauches ; mais cette rencontre ne m'avait pas du tout préparé à me retrouver dans une situation presque identique (même si, dans mon cas, la cause du problème n'est pas cérébrale, mais oculaire). L'horreur de ma situation m'apparut avec encore plus de force lorsque Kate et moi retournâmes à mon bureau à la fin de notre balade : j'entrai dans l'ascenseur avant elle, et elle se volatilisa. Supposant qu'elle bavardait avec le concierge ou prenait le courrier, je lui laissai le temps de me rattraper, puis une voix - la sienne - dit à ma droite : "Qu'attendez-vous ?" Je n'en revins pas - non content de ne pas avoir vu qu'elle était à ma droite, je n'avais même pas pu imaginer qu'elle était là parce que ce "là" n'existait plus pour moi. Dans de telles circonstances, le proverbe "Loin des yeux, loin du cœur" est à prendre au pied de la lettre ! (...).
Des gens se ruent dans tous les sens, leurs coups de fil et leurs échanges de textos les rendant aveugles et sourds à leur environnement ; d'autres promènent des chiens aussi minuscules que des insectes au bout de longues laisses invisibles dans lesquelles les malvoyants se prennent immanquablement les pieds ; et des gamins à scooter vous frôlent trop bas pour que vous puissiez les voir. Il y a d'autres chausse-trapes aussi : les bouches d'égout, les grilles et les bouches d'incendie, les portes ouvertes à la volée, les cyclistes qui livrent des repas... toutes choses qui paraissent conçues à seule fin de donner du travail aux orthopédistes. Je n'ose pas sortir seul ; heureusement, des amis serviables m'accompagnent, me guidant et protégeant mon côté aveugle. Quant à conduire, je n'y songe même pas !
Je m'efforce de longer la partie droite du trottoir pour que personne ne me dépasse par mon côté aveugle, mais ce n'est pas toujours possible : il y a énormément de piétons, et je ne saurais réquisitionner une partie de la chaussée. Même chez moi, je perds ce que j'ai posé sur mon bureau - mes lunettes de lecture, mon stylo plume, une lettre que je viens d'écrire - si j'ai placé ces affaires à ma droite.
Il semblerait pourtant (à ce qu'on m'a dit, c'est ce qu'on lit dans le livre de Frank Brady A Singular View: The Art of Seeing With One Eye) que presque tous les sujets qui perdent un oeil s'accommodent de la perte de cet organe : ils le font d'autant plus facilement qu'ils sont jeunes ou devenus borgnes progressivement, surtout si l'œil atteint n'est pas dominant et si l'œil restant voit correctement. (Hélas, je ne satisfais guère à ces critères !) La plupart recommencent à mener une vie digne de ce nom - à condition, souligne Brady, que l'attention prêtée au côté manquant ne se relâche pas : il faut être hyperconscient de ce manque.
J'en serai peut-être capable à l'avenir, mais c'est loin d'être dans mes cordes pour l'instant.

"Pourquoi des aveugles voient le braille"
Quand des adultes perdent la vue, on sait que les voies de conduction et les centres-relais qui relient la rétine au cortex cérébral peuvent s'atrophier quelque peu, mais que le cortex visuel en tant que tel ne dégénère pas. Les IRM fonctionnelles du cortex visuel ne révèlent l'existence d'aucune diminution d'activité dans ce contexte, c'est même le contraire qui se produit : l'activité et la sensibilité augmentent. Même privé de tout input visuel, le cortex visuel reste un bon investissement neuronal, un bien disponible qui est appelé à remplir une nouvelle fonction. Chez quelqu'un comme Zoltan Torey [psychologue australien], cette privation libère sans doute plus d'espace cortical pour l'imagerie visuelle. Chez quelqu'un comme John Hull [auteur d'un livre sur la cécité], il se pourrait qu'un espace un peu plus étendu soit attribué aux autres sens tels que la perception et l'attention auditives, ou la perception et l'attention tactiles. Cette espèce d'activation transnodale pourrait expliquer pourquoi des aveugles "voient" le braille quand ils le lisent du doigt.

9 juillet 1933 : Naissance à Londres. Fils d'un médecin et d'une chirurgienne.
1965 : S'installe à New York comme neurologue. Travaille à l'hôpital Beth Abraham.
1970 : " Migraine " (Seuil).
1973 : L'éveil (Seuil) (adapté au cinéma par Penny Marshall).
1984 : Sur une jambe (Seuil).
1985 : L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau (Seuil) (adapté en opéra par Michael Nyman).
1989 : Des yeux pour entendre. Voyage au pays des sourds (Seuil).
1996 : Un anthropologue sur Mars (Seuil).
1997 : L'île en noir et blanc (Seuil).
2009 : Musicophilia, la musique, le cerveau et nous (Seuil).

2012 : L'œil de l'esprit (Seuil).