Robert McLiam WilsonNaissance : 1964
Langue d’écriture : Irlandais
Genre : Roman
Robert McLiam Wilson est un écrivain irlandais né à Belfast dans un quartier ouvrier et catholique en 1964. Après avoir vécu à Londres et étudié la littérature anglaise à Cambridge, il est revenu en Irlande du Nord pour donner des cours à l’Université d’Ulster.
Dès son premier roman, « Ripley Bogle » (1988), il remporte plusieurs prix littéraires en Grande-Bretagne, le Prix Rooney, le Prix Trask, le Prix Hughes et le Prix Irish Book. C’est l’autobiographie romancée d’un SDF londonien, génial cancre arrogant et paresseux qui a érigé le mensonge en art de vivre.
Son œuvre la plus connue, celle qui l’a fait connaître, est sans conteste « Eureka Street ». C’est un roman foisonnant avec comme personnage central la ville de Belfast.
Bibliographie
Ripley Bogle, (1989) trad. française Brice Matthieussent 1996
Les Dépossédés, (1992) trad. Française Brice Matthieussent 2005, ‘doc. co-écrit avec photographies de Donovan Wylie).
La Douleur de Manfred, (1992) trad. française Brice Matthieussent 2003
Eureka Street, (1996) trad. Française Brice Matthieussent, 1997
samedi 30 janvier 2010
Lectures Roy LEWIS-Roy Lewis
Roy LewisNaissance : 6 novembre 1913 – 9 octobre 1996
Langue d’écriture : Anglais
Genre : socio-économique
Né en le 6 novembre 1913, Roy Lewis a grandi à Birmingham, et poursuivi ses études à Oxford avant d'intégrer la London School of Economics. En 1938, il part sillonner l'hémisphère sud, avec sa jeune épouse. Après un long séjour en Australie, il rentre en Angleterre en 1946 et entreprend alors la rédaction d'ouvrages socio-économiques. Son ami Félix St-Amand' anthropologue l'inspira envers le passé de la race humaine. C'est a la suite de leur conversation que Roy Lewis écrivit « Pourquoi j'ai mangé mon père ». Rapidement, il est engagé comme correspondant à Washington pour The Economist, avant de rejoindre le Times en 1961, où il reste jusqu'à sa retraite en 1971.
Journaliste et sociologue, Roy Lewis, pour être venu tard à la littérature, n'en a pas moins fait une entrée remarquée avec « Pourquoi j'ai mangé mon père ». Il est également l'auteur de « Mr Gladstone et la demi-mondaine », et « La Véritable Histoire du dernier roi socialiste ».
Bibliographie
Pourquoi j'ai mangé mon père (1960)- trad. française Vercors et Rita Barisse (1990)
Mr Gladstone et la demi-mondaineLa Véritable Histoire du dernier roi socialiste
Langue d’écriture : Anglais
Genre : socio-économique
Né en le 6 novembre 1913, Roy Lewis a grandi à Birmingham, et poursuivi ses études à Oxford avant d'intégrer la London School of Economics. En 1938, il part sillonner l'hémisphère sud, avec sa jeune épouse. Après un long séjour en Australie, il rentre en Angleterre en 1946 et entreprend alors la rédaction d'ouvrages socio-économiques. Son ami Félix St-Amand' anthropologue l'inspira envers le passé de la race humaine. C'est a la suite de leur conversation que Roy Lewis écrivit « Pourquoi j'ai mangé mon père ». Rapidement, il est engagé comme correspondant à Washington pour The Economist, avant de rejoindre le Times en 1961, où il reste jusqu'à sa retraite en 1971.
Journaliste et sociologue, Roy Lewis, pour être venu tard à la littérature, n'en a pas moins fait une entrée remarquée avec « Pourquoi j'ai mangé mon père ». Il est également l'auteur de « Mr Gladstone et la demi-mondaine », et « La Véritable Histoire du dernier roi socialiste ».
Bibliographie
Pourquoi j'ai mangé mon père (1960)- trad. française Vercors et Rita Barisse (1990)
Mr Gladstone et la demi-mondaineLa Véritable Histoire du dernier roi socialiste
mardi 26 janvier 2010
Lectures Naguib MAHFOUZ-Naguib Mahfouz
Naguib MahfouzNaissance : 11 décembre 1911 – 30 août 2006
Langue d’écriture : arabe égyptien
Genre : Romans, nouvelles
Distinctions : Prix Nobel de littérature (1998)
Naguib Mahfouz était un écrivain égyptien contemporain de langue arabe et l'intellectuel le plus célèbre d’Égypte.
La carrière littéraire de Naguib Mahfouz se confond largement avec l’histoire du roman moderne en Égypte et dans le monde arabe. Dans les années 1920, l’écrivain et homme politique Muhammad Husayn Haykal prône l’émergence d’une « littérature nationale » coulée « dans les moules occidentaux, afin que les Égyptiens y voient le signe qu’ils sont aussi avancés que l’Occident, et peut-être le devancent, dans les domaines de la civilisation ». Nul ne portera mieux que Naguib Mahfouz ce projet à son terme.
Né dans une famille de la petite bourgeoisie cairote, il fait des études de philosophie à l’université du Caire. Il commence à écrire à l'âge de 17 ans et publie ses premiers essais d’écriture dans les revues littéraires des années 1930. Il publie sa première nouvelle en 1939. Ses romans ont pour cadre Le Caire contemporain, dont il décrit les bouleversements sociaux dans une veine réaliste.
Mais le succès public et la reconnaissance critique tardent à venir. Son œuvre la plus importante est la Trilogie du Caire, commencée en 1950. Dans cet ensemble de plus de mille cinq cents pages, chaque roman porte le nom des rues où Mahfouz a passé sa jeunesse : « Impasse des deux palais », « Le Palais du désir », « Le Jardin du passé ». Il y décrit la vie d'un patriarche et de sa famille au Caire pendant une période qui va de la Seconde guerre mondiale jusqu'au renversement du roi Farouk. Par le nombre de ses personnages et la richesse de l'étude sociale, Mahfouz rappelle des prédécesseurs dans le genre romanesque : Balzac, Dickens, Tolstoï, Galsworthy. Dès 1952, il délaisse l’écriture romanesque pour le scénario – forme d’écriture moins noble mais mieux rémunérée.
La publication de la Trilogie en 1956 - 1957 lèvera ses doutes. À quarante-cinq ans, il est enfin reconnu.
Il s’en détourne pourtant avec son roman suivant, « Les enfants de notre quartier » 1959, trad. française « Les Fils de la Médina », tournant dans sa carrière et dans l’histoire du roman arabe. Il y renoue en effet avec la riche tradition de la fiction allégorique pour développer une critique des dérives autoritaires du régime de Nasser et, au-delà, une réflexion pessimiste sur le pouvoir. Publié en feuilleton dans le quotidien Al-Ahram en 1959, puis à nouveau en 1967, ce roman a déclenché une polémique virulente. L'ouvrage (et l'homme) sont attaqués par les ouléma qui les jugent blasphématoires, puis le livre est frappé d’une interdiction officieuse de publication en Égypte. En même temps, le scandale contribue à asseoir sa réputation et n’affecte pas sa carrière. Il publie beaucoup : des nouvelles dans la presse, reprises en recueils, et près d’un roman par an. Ses grands romans réalistes sont adaptés au cinéma l’un après l’autre, ce qui lui donne accès à un public incomparablement plus vaste que celui de l’écrit.
Proche des jeunes écrivains en colère qui émergent dans les années d’effervescence – Gamal Ghitany, Sonallah Ibrahim, Baha Taher, Ibrahim Aslan, Mohammed El Bisatie, etc. – Mahfouz reprendra volontiers à son compte, dans ses romans ultérieurs, leurs innovations esthétiques. Mais c’est lorsqu’il renoue avec sa source d’inspiration favorite, le vieux Caire de son enfance « Récits de notre quartier » 1975, « La Chanson des gueux » 1977, qu’il est au sommet de son art.
Demeuré fidèle tant à ses convictions politiques libérales qu’à sa conception de la littérature, il fait figure dans les années 1980 de maître respecté pour ses qualités morales et son apport massif au roman arabe, mais souvent contesté pour ses options politiques (notamment son soutien à la paix égypto-israélienne). Le prix Nobel qui lui est décerné le 13 octobre 1988 va bousculer sa routine de retraité, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur : ce prix, le premier attribué à un écrivain arabe, lui donne accès au marché mondial. Le pire : dans un contexte d’affrontement violent entre le pouvoir et la fraction radicale de l’opposition islamiste, la polémique autour de « Les Fils de la Médina » refait surface et Naguib Mahfouz survit miraculeusement à une tentative d’assassinat à l’arme blanche perpétrée par deux jeunes fanatiques islamistes. Depuis, il était paralysé de la main droite et avait cessé d'écrire, contraint de dicter ses textes. Croyant toujours au grand pouvoir de la littérature, il déclare au lendemain de l'agression : « L’écriture a beaucoup d’effets sur la culture et sur toutes les valeurs civilisationnelles »
À sa mort tout le monde le pleure et lui rend hommage.
Bibliographie
Au cours de sa carrière qui s'étend sur près de soixante ans, il a publié plus de 50 romans et recueils de nouvelles.
La Malédiction de Râ Abath al-aqdâr, roman 1939 (trad. française 1998)
L'Amante du pharaon Radôbîs, roman 1943 (trad. française 2005)
Le combat de Thèbes Kifâh Tîba, roman 1944
La Belle du Caire Al-Qâhira al-jadîda, roman 1945 (trad. française 2000)
Le Cortège des vivants Khân al-Khalîlî, roman 1946 (trad. Française 1999)
Passage des Miracles Zuqâq al-midaqq, roman 1947 (trad. française 1970)
Le murmure de la folie Hams al-junûn, nouvelles, 1947
Chimères Al-Sarâb, roman 1948 (trad. française 1992)
Vienne la Nuit Bidâya wa-nihâya, roman 1949 (trad. française 1996)
La Trilogie du Caire :
Impasse des Deux-Palais Bayn al-Qasrayn, roman 1956 (trad. française 1987)
Le Palais du désir Qasr al-Chawq, roman 1957 (trad. française 1987)
Le Jardin du passé Al-Sukkariyya, roman 1957 (trad. française 1989)
Les Fils de la médina Awlâd hâratinâ, roman 1959 (trad. Française 1991)
Le voleur et les chiens Al-Liss wa-l-kilâb, roman 1961 (trad. française 1985)
Les cailles et l'automne Al-Simmân wa-l-Kharîf, roman 1962
Le Monde de Dieu Dunya Allâh, nouvelles 1962 (trad. française 2000)
La Quête Al-Tarîq, roman 1964 (trad. française 1997)
Une maison mal famée Bayt sayyi' al-sum'a, nouvelles 1965
Le Mendiant Al-Chahhâdh, roman 1965 (trad. française 1997)
Dérives sur le Nil Tharthara fawq al-Nîl, roman 1966 (trad. française 1989)
Miramar Mîrâmâr, roman 1968 (trad. française 1990)
Le cabaret du Chat Noir Khammârat al-Qitt al-Aswad, nouvelles 1969
Sous l'abri Tahta al-Midhalla , nouvelles 1969
Histoire sans commencement ni fin Hikâya bi-lâ bidâya wa-lâ nihâya, nouvelles 1971
La lune de miel Chahr al-'asal, nouvelles 1971
Miroirs Al-Marâyâ, roman 1972 (trad. française 2001)
L'Amour sous la pluie Al-Hubb taht al-matar , nouvelles 1973
Le Crime Al-Jarîma, nouvelles 1973
Karnak Al-Karnak, nouvelles 1974
Récits de notre quartier Hikayât hârati-nâ, récits 1975 (trad. française 1988)
Au cœur de la nuit Qalb al-Layl, nouvelles 1975
Son Excellence Hadrat al-muhtaram, roman 1975 (trad. française 2008)
La Chanson des gueux Malhamat al-harafîch, roman 1977 (trad. française 1989)
L'Amour au pied des pyramides Al-Hubb fawq hadabat al-haram, nouvelles 1979 (trad. française 1997)
Satan prêche Al-Chaytan ya'izh, 1979
Le temps de l'amour 'Asr al-hubb, 1980
Les noces de Qobba Afrah al-Qubba, 1981
Les Mille et Une Nuits Layâli Alf Layla 1982(trad. française 1997)
J'ai vu dans mon sommeil Ra'aytu fi-mâ yarâ al-nâ'im, nouvelles 1982
Heure H-1 Al-Bâqi min al-zaman Sâ'a, nouvelles 1982
Devant le trône Amâm al-'arch, roman 1983
Le voyage d'Ibn Fattouma Rihlat Ibn Fattouma, roman 1983
L'organisation secrète Al-Tanzhîm al-sirrî, nouvelles 1984
le Renégat Al-'A'ich fî l-haqîqa, roman 1985 (trad. française Akhénaton 1998)
Le Jour de l'assassinat du leader Yawma qutil al-za'îm, roman 1985 (trad. française 1989)
Propos du matin et du soir Hadîth al-sabâh wa-l-masâ', roman 1987 (trad. française 2002)
Matin de roses Sabâh al-ward, roman 1987 (trad. française 1998)
Quchtumar, roman 1988
L'Aube trompeuse Al-Fajr al-kâdhib, nouvelles 1989
Echos d'une autobiographie Asdâ' al-sîra al-dhâtiyya, récits 1996 (trad. française 2004)
Langue d’écriture : arabe égyptien
Genre : Romans, nouvelles
Distinctions : Prix Nobel de littérature (1998)
Naguib Mahfouz était un écrivain égyptien contemporain de langue arabe et l'intellectuel le plus célèbre d’Égypte.
La carrière littéraire de Naguib Mahfouz se confond largement avec l’histoire du roman moderne en Égypte et dans le monde arabe. Dans les années 1920, l’écrivain et homme politique Muhammad Husayn Haykal prône l’émergence d’une « littérature nationale » coulée « dans les moules occidentaux, afin que les Égyptiens y voient le signe qu’ils sont aussi avancés que l’Occident, et peut-être le devancent, dans les domaines de la civilisation ». Nul ne portera mieux que Naguib Mahfouz ce projet à son terme.
Né dans une famille de la petite bourgeoisie cairote, il fait des études de philosophie à l’université du Caire. Il commence à écrire à l'âge de 17 ans et publie ses premiers essais d’écriture dans les revues littéraires des années 1930. Il publie sa première nouvelle en 1939. Ses romans ont pour cadre Le Caire contemporain, dont il décrit les bouleversements sociaux dans une veine réaliste.
Mais le succès public et la reconnaissance critique tardent à venir. Son œuvre la plus importante est la Trilogie du Caire, commencée en 1950. Dans cet ensemble de plus de mille cinq cents pages, chaque roman porte le nom des rues où Mahfouz a passé sa jeunesse : « Impasse des deux palais », « Le Palais du désir », « Le Jardin du passé ». Il y décrit la vie d'un patriarche et de sa famille au Caire pendant une période qui va de la Seconde guerre mondiale jusqu'au renversement du roi Farouk. Par le nombre de ses personnages et la richesse de l'étude sociale, Mahfouz rappelle des prédécesseurs dans le genre romanesque : Balzac, Dickens, Tolstoï, Galsworthy. Dès 1952, il délaisse l’écriture romanesque pour le scénario – forme d’écriture moins noble mais mieux rémunérée.
La publication de la Trilogie en 1956 - 1957 lèvera ses doutes. À quarante-cinq ans, il est enfin reconnu.
Il s’en détourne pourtant avec son roman suivant, « Les enfants de notre quartier » 1959, trad. française « Les Fils de la Médina », tournant dans sa carrière et dans l’histoire du roman arabe. Il y renoue en effet avec la riche tradition de la fiction allégorique pour développer une critique des dérives autoritaires du régime de Nasser et, au-delà, une réflexion pessimiste sur le pouvoir. Publié en feuilleton dans le quotidien Al-Ahram en 1959, puis à nouveau en 1967, ce roman a déclenché une polémique virulente. L'ouvrage (et l'homme) sont attaqués par les ouléma qui les jugent blasphématoires, puis le livre est frappé d’une interdiction officieuse de publication en Égypte. En même temps, le scandale contribue à asseoir sa réputation et n’affecte pas sa carrière. Il publie beaucoup : des nouvelles dans la presse, reprises en recueils, et près d’un roman par an. Ses grands romans réalistes sont adaptés au cinéma l’un après l’autre, ce qui lui donne accès à un public incomparablement plus vaste que celui de l’écrit.
Proche des jeunes écrivains en colère qui émergent dans les années d’effervescence – Gamal Ghitany, Sonallah Ibrahim, Baha Taher, Ibrahim Aslan, Mohammed El Bisatie, etc. – Mahfouz reprendra volontiers à son compte, dans ses romans ultérieurs, leurs innovations esthétiques. Mais c’est lorsqu’il renoue avec sa source d’inspiration favorite, le vieux Caire de son enfance « Récits de notre quartier » 1975, « La Chanson des gueux » 1977, qu’il est au sommet de son art.
Demeuré fidèle tant à ses convictions politiques libérales qu’à sa conception de la littérature, il fait figure dans les années 1980 de maître respecté pour ses qualités morales et son apport massif au roman arabe, mais souvent contesté pour ses options politiques (notamment son soutien à la paix égypto-israélienne). Le prix Nobel qui lui est décerné le 13 octobre 1988 va bousculer sa routine de retraité, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur : ce prix, le premier attribué à un écrivain arabe, lui donne accès au marché mondial. Le pire : dans un contexte d’affrontement violent entre le pouvoir et la fraction radicale de l’opposition islamiste, la polémique autour de « Les Fils de la Médina » refait surface et Naguib Mahfouz survit miraculeusement à une tentative d’assassinat à l’arme blanche perpétrée par deux jeunes fanatiques islamistes. Depuis, il était paralysé de la main droite et avait cessé d'écrire, contraint de dicter ses textes. Croyant toujours au grand pouvoir de la littérature, il déclare au lendemain de l'agression : « L’écriture a beaucoup d’effets sur la culture et sur toutes les valeurs civilisationnelles »
À sa mort tout le monde le pleure et lui rend hommage.
Bibliographie
Au cours de sa carrière qui s'étend sur près de soixante ans, il a publié plus de 50 romans et recueils de nouvelles.
La Malédiction de Râ Abath al-aqdâr, roman 1939 (trad. française 1998)
L'Amante du pharaon Radôbîs, roman 1943 (trad. française 2005)
Le combat de Thèbes Kifâh Tîba, roman 1944
La Belle du Caire Al-Qâhira al-jadîda, roman 1945 (trad. française 2000)
Le Cortège des vivants Khân al-Khalîlî, roman 1946 (trad. Française 1999)
Passage des Miracles Zuqâq al-midaqq, roman 1947 (trad. française 1970)
Le murmure de la folie Hams al-junûn, nouvelles, 1947
Chimères Al-Sarâb, roman 1948 (trad. française 1992)
Vienne la Nuit Bidâya wa-nihâya, roman 1949 (trad. française 1996)
La Trilogie du Caire :
Impasse des Deux-Palais Bayn al-Qasrayn, roman 1956 (trad. française 1987)
Le Palais du désir Qasr al-Chawq, roman 1957 (trad. française 1987)
Le Jardin du passé Al-Sukkariyya, roman 1957 (trad. française 1989)
Les Fils de la médina Awlâd hâratinâ, roman 1959 (trad. Française 1991)
Le voleur et les chiens Al-Liss wa-l-kilâb, roman 1961 (trad. française 1985)
Les cailles et l'automne Al-Simmân wa-l-Kharîf, roman 1962
Le Monde de Dieu Dunya Allâh, nouvelles 1962 (trad. française 2000)
La Quête Al-Tarîq, roman 1964 (trad. française 1997)
Une maison mal famée Bayt sayyi' al-sum'a, nouvelles 1965
Le Mendiant Al-Chahhâdh, roman 1965 (trad. française 1997)
Dérives sur le Nil Tharthara fawq al-Nîl, roman 1966 (trad. française 1989)
Miramar Mîrâmâr, roman 1968 (trad. française 1990)
Le cabaret du Chat Noir Khammârat al-Qitt al-Aswad, nouvelles 1969
Sous l'abri Tahta al-Midhalla , nouvelles 1969
Histoire sans commencement ni fin Hikâya bi-lâ bidâya wa-lâ nihâya, nouvelles 1971
La lune de miel Chahr al-'asal, nouvelles 1971
Miroirs Al-Marâyâ, roman 1972 (trad. française 2001)
L'Amour sous la pluie Al-Hubb taht al-matar , nouvelles 1973
Le Crime Al-Jarîma, nouvelles 1973
Karnak Al-Karnak, nouvelles 1974
Récits de notre quartier Hikayât hârati-nâ, récits 1975 (trad. française 1988)
Au cœur de la nuit Qalb al-Layl, nouvelles 1975
Son Excellence Hadrat al-muhtaram, roman 1975 (trad. française 2008)
La Chanson des gueux Malhamat al-harafîch, roman 1977 (trad. française 1989)
L'Amour au pied des pyramides Al-Hubb fawq hadabat al-haram, nouvelles 1979 (trad. française 1997)
Satan prêche Al-Chaytan ya'izh, 1979
Le temps de l'amour 'Asr al-hubb, 1980
Les noces de Qobba Afrah al-Qubba, 1981
Les Mille et Une Nuits Layâli Alf Layla 1982(trad. française 1997)
J'ai vu dans mon sommeil Ra'aytu fi-mâ yarâ al-nâ'im, nouvelles 1982
Heure H-1 Al-Bâqi min al-zaman Sâ'a, nouvelles 1982
Devant le trône Amâm al-'arch, roman 1983
Le voyage d'Ibn Fattouma Rihlat Ibn Fattouma, roman 1983
L'organisation secrète Al-Tanzhîm al-sirrî, nouvelles 1984
le Renégat Al-'A'ich fî l-haqîqa, roman 1985 (trad. française Akhénaton 1998)
Le Jour de l'assassinat du leader Yawma qutil al-za'îm, roman 1985 (trad. française 1989)
Propos du matin et du soir Hadîth al-sabâh wa-l-masâ', roman 1987 (trad. française 2002)
Matin de roses Sabâh al-ward, roman 1987 (trad. française 1998)
Quchtumar, roman 1988
L'Aube trompeuse Al-Fajr al-kâdhib, nouvelles 1989
Echos d'une autobiographie Asdâ' al-sîra al-dhâtiyya, récits 1996 (trad. française 2004)
lundi 25 janvier 2010
Lectures John Kennedy TOOLE-John Kennedy Toole
John Kennedy Toole
Naissance : 17 décembre 1937 – 26 mars 1969
Langue d’écriture : américain
Genre : Littérature
John Kennedy Toole, est un écrivain américain qui se suicida par déception de ne pas être publié et qui connut le succès après sa mort.
Né à La Nouvelle-Orléans le 17 décembre 1937, John Kennedy Toole exerça quelque temps le métier d'enseignant dans divers établissements universitaires des États de New York et de la Louisiane. Appelé sous les drapeaux en 1961, il séjourna deux années à Porto Rico pendant lesquelles il enseigna l'anglais aux recrues de langue hispanique et écrivit son deuxième et principal roman, « La Conjuration des imbéciles ».
À la fin de son service militaire, il retourne à La Nouvelle-Orléans pour vivre chez ses parents et enseigner au Collège Dominicain. Il tente également, mais en vain, de faire publier son ouvrage qu'il considérait comme un chef-d'œuvre. Sa santé et son moral se détériorent alors rapidement et, après avoir perdu tout espoir, il se suicide le 26 mars 1969, à l'âge de trente-deux ans, en reliant l'habitacle et le pot d'échappement de son automobile.
Après sa mort, sa mère poursuivit ses efforts et réussit à faire lire son roman à l'écrivain Walker Percy qui fut séduit par cette œuvre originale en 1976. Il insista à son tour auprès d'un éditeur, et le livre fut finalement publié en 1980. Très bien reçu par la critique et par le public, il a été vendu à plus de 1,5 million d'exemplaires et traduit en dix-huit langues.
John Kennedy Toole reçut le Prix Pulitzer de la Fiction à titre posthume en 1981. Il n'est l'auteur que d'un seul autre ouvrage, « la Bible de néon », qu'il écrivit à l'âge de seize ans, et qui, longtemps considéré comme trop immature, ne fut publié qu'en 1989 à la suite du succès de son précédent roman.BibliographieRomans
La Conjuration des imbéciles (1981) trad. Jean-Pierre Carasso
La Bible de néon (1995) trad. Sophie Mayoux
Naissance : 17 décembre 1937 – 26 mars 1969
Langue d’écriture : américain
Genre : Littérature
John Kennedy Toole, est un écrivain américain qui se suicida par déception de ne pas être publié et qui connut le succès après sa mort.
Né à La Nouvelle-Orléans le 17 décembre 1937, John Kennedy Toole exerça quelque temps le métier d'enseignant dans divers établissements universitaires des États de New York et de la Louisiane. Appelé sous les drapeaux en 1961, il séjourna deux années à Porto Rico pendant lesquelles il enseigna l'anglais aux recrues de langue hispanique et écrivit son deuxième et principal roman, « La Conjuration des imbéciles ».
À la fin de son service militaire, il retourne à La Nouvelle-Orléans pour vivre chez ses parents et enseigner au Collège Dominicain. Il tente également, mais en vain, de faire publier son ouvrage qu'il considérait comme un chef-d'œuvre. Sa santé et son moral se détériorent alors rapidement et, après avoir perdu tout espoir, il se suicide le 26 mars 1969, à l'âge de trente-deux ans, en reliant l'habitacle et le pot d'échappement de son automobile.
Après sa mort, sa mère poursuivit ses efforts et réussit à faire lire son roman à l'écrivain Walker Percy qui fut séduit par cette œuvre originale en 1976. Il insista à son tour auprès d'un éditeur, et le livre fut finalement publié en 1980. Très bien reçu par la critique et par le public, il a été vendu à plus de 1,5 million d'exemplaires et traduit en dix-huit langues.
John Kennedy Toole reçut le Prix Pulitzer de la Fiction à titre posthume en 1981. Il n'est l'auteur que d'un seul autre ouvrage, « la Bible de néon », qu'il écrivit à l'âge de seize ans, et qui, longtemps considéré comme trop immature, ne fut publié qu'en 1989 à la suite du succès de son précédent roman.BibliographieRomans
La Conjuration des imbéciles (1981) trad. Jean-Pierre Carasso
La Bible de néon (1995) trad. Sophie Mayoux
dimanche 17 janvier 2010
Lectures Chuck PALAHNIUK-Choke
Chuck PALAHNIUK
Choke
Traduit de l’américain par Freddy Michalski
(4ème de couverture)
Victor Mancini, obsédé sexuel et fils modèle, est ruiné par l’hospitalisation de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Pour faire face à ses dépenses, il met au point un stratagème extravagant : faire mine de s’asphyxier avec la nourriture en dînant dans des restaurants chic et gagner la compassion d’une clientèle de luxe. Entre deux crises d’étouffement au caviar, Victor travaille comme figurant dans un parc à thème historique et participe à des séances de thérapie collective pour drogués du sexe incurables. Mais c’est au chevet de sa mère qu’il retrouve intacte la folie galopante qui a ravagé son enfance. Derrière le délire sénile de cette vieille dame indigne, parviendra-t-il à percer à jour l’hallucinant secret de ses origines ?
Une Amérique schizophrène est la toile de fond de cette tragi-comédie brillante et féroce, où Palahniuk s’affirme au croisement de John Kennedy Toole et de Brest Easton Ellis.
Chuck Palahniuk vit à Portland, Oregon. Il est l’auteur de Fight-Club (1999), roman culte adapté au cinéma par David Fincher, et de Survivant (2001).
(1ere phrase :)
Si vous avez l’intention de lire ceci, n’en faites rien, ne vous donnez pas cette peine.
(Dernière phrase :)
Là où nous nous tenons, en cet instant précis, dans les ruines dans le noir, ce que nous bâtissons pourrait être n’importe quoi.
348 pages – Editions Denoël & d’Ailleur 2001 (2002 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)
Choke est la troisième arme de destruction massive lâchée en 2001 par cet ovni de la littérature américaine.
Révélé au monde entier par le succès du dérangeant fight club, Palahniuk excelle dans ce nouveau genre de roman qui fascine presque autant qu’il peut dégoûter.
Corrosif, lubrique, venimeux, provoquant, déjanté, les adjectifs ne manquent pas pour décrire le style de l’auteur qui nous dépeint la quête d’identité de son principal protagoniste: Victor Mancini.
Victor, est un médecin nymphomane qui cherche à découvrir ses origines au chevet de celle qu’il croit être sa mère mourante. Victor a pour passe-temps favori de faire semblant de s’étouffer dans des restaurants afin d’être “sauvé” par des bienfaiteurs généreux. Victor est convaincu par Paige Marschall, une jeune médecin débridée, qu’il est le nouveau christ. Victor a un meilleur ami, Denny, qui, obsédé par les pierres, commence à construire sans permis une immense bâtisse…
Choke est un voyage au cœur de la folie. Chaque personnage est guidé par sa propre névrose obsessionnelle jusqu’au narrateur lui-même qui plaque, un à un, ses tics d’expression.
L’habileté suprême du père Chuck nous conduit pourtant même à douter, au moment de refermer ce roman effrayant: Qui de ces « egos pensants » est vraiment fou ou clairvoyant?
Pour finir et en un mot, Choke est un livre d’une très grande originalité mais à déconseiller fortement aux âmes sensibles et puritaines.
Traduit de l’américain par Freddy Michalski
(4ème de couverture)
Victor Mancini, obsédé sexuel et fils modèle, est ruiné par l’hospitalisation de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Pour faire face à ses dépenses, il met au point un stratagème extravagant : faire mine de s’asphyxier avec la nourriture en dînant dans des restaurants chic et gagner la compassion d’une clientèle de luxe. Entre deux crises d’étouffement au caviar, Victor travaille comme figurant dans un parc à thème historique et participe à des séances de thérapie collective pour drogués du sexe incurables. Mais c’est au chevet de sa mère qu’il retrouve intacte la folie galopante qui a ravagé son enfance. Derrière le délire sénile de cette vieille dame indigne, parviendra-t-il à percer à jour l’hallucinant secret de ses origines ?
Une Amérique schizophrène est la toile de fond de cette tragi-comédie brillante et féroce, où Palahniuk s’affirme au croisement de John Kennedy Toole et de Brest Easton Ellis.
Chuck Palahniuk vit à Portland, Oregon. Il est l’auteur de Fight-Club (1999), roman culte adapté au cinéma par David Fincher, et de Survivant (2001).
(1ere phrase :)
Si vous avez l’intention de lire ceci, n’en faites rien, ne vous donnez pas cette peine.
(Dernière phrase :)
Là où nous nous tenons, en cet instant précis, dans les ruines dans le noir, ce que nous bâtissons pourrait être n’importe quoi.
348 pages – Editions Denoël & d’Ailleur 2001 (2002 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)
Choke est la troisième arme de destruction massive lâchée en 2001 par cet ovni de la littérature américaine.
Révélé au monde entier par le succès du dérangeant fight club, Palahniuk excelle dans ce nouveau genre de roman qui fascine presque autant qu’il peut dégoûter.
Corrosif, lubrique, venimeux, provoquant, déjanté, les adjectifs ne manquent pas pour décrire le style de l’auteur qui nous dépeint la quête d’identité de son principal protagoniste: Victor Mancini.
Victor, est un médecin nymphomane qui cherche à découvrir ses origines au chevet de celle qu’il croit être sa mère mourante. Victor a pour passe-temps favori de faire semblant de s’étouffer dans des restaurants afin d’être “sauvé” par des bienfaiteurs généreux. Victor est convaincu par Paige Marschall, une jeune médecin débridée, qu’il est le nouveau christ. Victor a un meilleur ami, Denny, qui, obsédé par les pierres, commence à construire sans permis une immense bâtisse…
Choke est un voyage au cœur de la folie. Chaque personnage est guidé par sa propre névrose obsessionnelle jusqu’au narrateur lui-même qui plaque, un à un, ses tics d’expression.
L’habileté suprême du père Chuck nous conduit pourtant même à douter, au moment de refermer ce roman effrayant: Qui de ces « egos pensants » est vraiment fou ou clairvoyant?
Pour finir et en un mot, Choke est un livre d’une très grande originalité mais à déconseiller fortement aux âmes sensibles et puritaines.
jeudi 14 janvier 2010
Saurais-je me souvenir de tout ?
Saurais-je me souvenir de tout ?
La mémoire est source d’angoisse. Quand surgissent sans crier gare, dans une sorte de rêve éveillé, les bribes d’un passé enfoui je ne sais où, et métamorphosé en éclairs nimbés d’ombres fugaces, je prends peur : aurais-je oublié tout le reste, « saurais-je me souvenir de tout ? » Le flou maitrisé des photographies en noir et blanc de Raymond Esconel et l’écho que leur renvoie la langue poétique d’Ahmed Kalouaz expriment parfaitement le prix de ces fragments de mémoire d’une lointaine enfance qui rejaillit à l’improviste. Ceux-ci disent aussi l’angoisse que provoque le sentiment de la perte irrémédiable de ce qui fut pourtant notre propre vie : images de lieux de l’enfance depuis longtemps délaissés, moments de tendresse partagés avec des parents qui ne sont plus. Nous le sentons en nous, cet immense trésor d’ombres mouvantes, mais nous n’avons pas de prises sur lui. Il me faut, pour le faire revenir en moi, la trace jaunie d’une vieille photographie aux bords dentelés, ou encore le témoignage d’un frère ou d’une sœur eux aussi vieillis et dont je découvre stupéfait qu’ils ont d’autres souvenirs que moi des expériences que nous fîmes pourtant ensemble. Ce passé a un goût de mort : de la mort de tous ceux, grands-parents, parents, amis qui ne sont plus là et dont je me demande qui saura encore, après moi, les nommer ; et de ma propre mort vers laquelle ces revenants familiers et pourtant étrangers me précipitent et m’appellent…
« Saurais-je me souvenir de tout ? » La réponse est non, bien sur. Et elle est d’autant plus terrible à admettre que ce « tout » sera plus encore et irrémédiablement perdu quand, à notre tour, nous ne serons plus là pour tenter d’en convoquer les fragments épars. Bien pire, il en va des sociétés comme des hommes pris individuellement. Sans cesse le présent se constitue sur une immense mer d’oubli, sur les ruines de la mémoire collective, sur la disparition de savoirs faire qui n’ont plus cours, d’objets et de lieux qui n’ont plus d’usage, de paroles envolées à jamais. Mais l’oubli n’est-il pas nécessaire à la vie individuelle comme à l’histoire des sociétés ? Que ferions-nous de notre vie si nous croulions sous le poids de nos souvenirs d’enfance ? Que sont donc les archives si précieusement conservées et qu’est-ce que le « patrimoine » dont on fait si grand cas aujourd’hui, sinon une collection plus ou moins arbitraire de traces infimes et discontinues avec lesquelles pourtant on se refait tous ensemble une histoire, comme on se refait chacun une vie avec les fragments de sa propre mémoire ? Si l’oubli est une fatalité, il n’en est pas moins une bénédiction puisque c’est à cause de lui et contre lui que nous donnons un sens à ce passé qui fuit de toutes parts et sur lequel nous nous projetons dans l’avenir. Sans ce travail critique sur nos mémoires en ruines, il n’y aurait pas d’histoire.
(Raymone Escomel - Ahmed Kalouaz- Jean-Claude Schmitt)
La mémoire est source d’angoisse. Quand surgissent sans crier gare, dans une sorte de rêve éveillé, les bribes d’un passé enfoui je ne sais où, et métamorphosé en éclairs nimbés d’ombres fugaces, je prends peur : aurais-je oublié tout le reste, « saurais-je me souvenir de tout ? » Le flou maitrisé des photographies en noir et blanc de Raymond Esconel et l’écho que leur renvoie la langue poétique d’Ahmed Kalouaz expriment parfaitement le prix de ces fragments de mémoire d’une lointaine enfance qui rejaillit à l’improviste. Ceux-ci disent aussi l’angoisse que provoque le sentiment de la perte irrémédiable de ce qui fut pourtant notre propre vie : images de lieux de l’enfance depuis longtemps délaissés, moments de tendresse partagés avec des parents qui ne sont plus. Nous le sentons en nous, cet immense trésor d’ombres mouvantes, mais nous n’avons pas de prises sur lui. Il me faut, pour le faire revenir en moi, la trace jaunie d’une vieille photographie aux bords dentelés, ou encore le témoignage d’un frère ou d’une sœur eux aussi vieillis et dont je découvre stupéfait qu’ils ont d’autres souvenirs que moi des expériences que nous fîmes pourtant ensemble. Ce passé a un goût de mort : de la mort de tous ceux, grands-parents, parents, amis qui ne sont plus là et dont je me demande qui saura encore, après moi, les nommer ; et de ma propre mort vers laquelle ces revenants familiers et pourtant étrangers me précipitent et m’appellent…
« Saurais-je me souvenir de tout ? » La réponse est non, bien sur. Et elle est d’autant plus terrible à admettre que ce « tout » sera plus encore et irrémédiablement perdu quand, à notre tour, nous ne serons plus là pour tenter d’en convoquer les fragments épars. Bien pire, il en va des sociétés comme des hommes pris individuellement. Sans cesse le présent se constitue sur une immense mer d’oubli, sur les ruines de la mémoire collective, sur la disparition de savoirs faire qui n’ont plus cours, d’objets et de lieux qui n’ont plus d’usage, de paroles envolées à jamais. Mais l’oubli n’est-il pas nécessaire à la vie individuelle comme à l’histoire des sociétés ? Que ferions-nous de notre vie si nous croulions sous le poids de nos souvenirs d’enfance ? Que sont donc les archives si précieusement conservées et qu’est-ce que le « patrimoine » dont on fait si grand cas aujourd’hui, sinon une collection plus ou moins arbitraire de traces infimes et discontinues avec lesquelles pourtant on se refait tous ensemble une histoire, comme on se refait chacun une vie avec les fragments de sa propre mémoire ? Si l’oubli est une fatalité, il n’en est pas moins une bénédiction puisque c’est à cause de lui et contre lui que nous donnons un sens à ce passé qui fuit de toutes parts et sur lequel nous nous projetons dans l’avenir. Sans ce travail critique sur nos mémoires en ruines, il n’y aurait pas d’histoire.
(Raymone Escomel - Ahmed Kalouaz- Jean-Claude Schmitt)
Lectures Henning MANKELL-La Muraille Invisible
Henning MANKELL
La Muraille Invisible
Traduit du Suédois par Anna Gibson
(4ème de couverture)
L’automne est revenu à Ystad. Tynnes Falk, consultant en informatique, s’écroule mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. La plus âgée s’enfuit du commissariat. Son corps est retrouvé à l’intérieur d’un transformateur à haute tension. C’est alors que Wallander découvre le sanctuaire clandestin de Falk.L’univers qui se dévoile peu à peu aux enquêteurs – grâce à la complicité d’un jeune hacker surdoué – est vertigineux. L’ennemi se révèle à la fois omniprésent et invisible. A ceci près qu’il menace les centres financiers de la planète. Confronté à l’enquête la plus difficile de sa carrière, Wallander est plus seul que jamais. Peut-il encore se fier à ses collègues ? Qu’en est-il de la Suède où des adolescentes passent à l’acte à coups de marteau ? Et où ceux qui le peuvent cherchent à quitter le pays. Wallander, lui, n’a pas le choix. Il reste. Contre toute attente, une femme va croiser sa route…
Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre le Mozambique et la Suéde. Ecrivain multiforme, il a reçu de l’Académie suédoise le Grand Prix de la littérature policière. Déjà parus au Seuil : Le Guerrier solitaire, La Cinquième Femme, Les Morts de la Saint-Jean.
(Les personnages principaux :)
Kurt Wallander, Martinsson, Ann-Britt Höglund, Hansson, Lisa Holgersson, Nyberg, Robert Nodin, Thynnes Falk, Linda.
(1ere phrase :)
Le vent décrut en début de soirée, puis ce fut le calme plat.
(Dernière phrase :)
Ce qui avait réellement déclenché l’effondrement des cours.
427 pages – Editions Seuil
(Aide mémoire perso :)
Kurt Wallander, quinquagénaire divorcé et diabétique, a une fille qui vit ailleurs et semble un cousin germain de Harry Bosch. En cet automne suédois, à Ystadt, il a fort à faire. Deux adolescentes assassinent un vieux chauffeur de taxi et semblent n’en éprouver aucun remord. La plus âgée s’enfuit du commissariat pour être retrouvée morte dans un transformateur électrique, plongeant Ystadt dans le noir. Par ailleurs, un homme, informaticien doué, meurt devant un distributeur à billets. Les trois morts sont reliés par un réseau complexe allant jusqu’en Angola en passant par le Pakistan. Des gens en veulent aux centres financiers internationaux, dégoûtés de la misère africaine et de l’attitude des pays riches, pensant en ce sens que le monde n’en vaut pas la peine. Ils ont tissé leur toile via des paramètres informatiques compliqués qu’un jeune hacker repenti, Robert Modin va tenter de démêler. D’autre part, Wallander est accusé et vilipendé par la presse parce qu’il a giflé une des adolescentes qui agressait sa mère. Même Martinsson, son fidèle bras droit, lui retire sa confiance et conspire contre lui. Ses collègues l’abandonnent et malgré tout, il continue, nuits d’insomnie sur nuits d’insomnie, seule son enquête compte car il sent que les enjeux sont graves. La solitude de Wallander ajoute à la noirceur des circonstances. Peut-il encore se fier aux femmes ? La fin fera apparaître un rayon de soleil en la personne de Linda, sa fille.
Ce roman de Mankell, traite de la mise en échec de la mondialisation. Le livre est plutôt volumineux car l’enquête est lente, Wallander est à la fois un instinctif et un raisonneur. On se rend compte que son travail de policier est une suite de détails anodins répétitifs surtout, comme si le fait de revoir les choses relançait la réflexion. A la fin, le mystère n’est pas totalement résolu, ce qui doit être le cas d’une bonne partie des enquêtes de police. Réalisme donc. Enfin, on notera malgré une stature de héros qui dort peu et ne vit que par son devoir Wallander est un personnage attachant et jamais l’auteur ne se laisse piéger par le manichéisme inhérent au genre : Carter et Falk ont de bonnes raisons d’agir ainsi même si leur projet est fou. Wallander est trop replié sur lui-même pour susciter la compassion. Les autres ne le comprennent pas toujours mais il ne les ménage pas non plus. Reste un petit bijou de cohérence. On en peut que saluer l’imagination incroyable de Mankell et un réel professionnalisme dans son travail d’écrivain de policiers.
La Muraille Invisible
Traduit du Suédois par Anna Gibson
(4ème de couverture)
L’automne est revenu à Ystad. Tynnes Falk, consultant en informatique, s’écroule mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. La plus âgée s’enfuit du commissariat. Son corps est retrouvé à l’intérieur d’un transformateur à haute tension. C’est alors que Wallander découvre le sanctuaire clandestin de Falk.L’univers qui se dévoile peu à peu aux enquêteurs – grâce à la complicité d’un jeune hacker surdoué – est vertigineux. L’ennemi se révèle à la fois omniprésent et invisible. A ceci près qu’il menace les centres financiers de la planète. Confronté à l’enquête la plus difficile de sa carrière, Wallander est plus seul que jamais. Peut-il encore se fier à ses collègues ? Qu’en est-il de la Suède où des adolescentes passent à l’acte à coups de marteau ? Et où ceux qui le peuvent cherchent à quitter le pays. Wallander, lui, n’a pas le choix. Il reste. Contre toute attente, une femme va croiser sa route…
Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre le Mozambique et la Suéde. Ecrivain multiforme, il a reçu de l’Académie suédoise le Grand Prix de la littérature policière. Déjà parus au Seuil : Le Guerrier solitaire, La Cinquième Femme, Les Morts de la Saint-Jean.
(Les personnages principaux :)
Kurt Wallander, Martinsson, Ann-Britt Höglund, Hansson, Lisa Holgersson, Nyberg, Robert Nodin, Thynnes Falk, Linda.
(1ere phrase :)
Le vent décrut en début de soirée, puis ce fut le calme plat.
(Dernière phrase :)
Ce qui avait réellement déclenché l’effondrement des cours.
427 pages – Editions Seuil
(Aide mémoire perso :)
Kurt Wallander, quinquagénaire divorcé et diabétique, a une fille qui vit ailleurs et semble un cousin germain de Harry Bosch. En cet automne suédois, à Ystadt, il a fort à faire. Deux adolescentes assassinent un vieux chauffeur de taxi et semblent n’en éprouver aucun remord. La plus âgée s’enfuit du commissariat pour être retrouvée morte dans un transformateur électrique, plongeant Ystadt dans le noir. Par ailleurs, un homme, informaticien doué, meurt devant un distributeur à billets. Les trois morts sont reliés par un réseau complexe allant jusqu’en Angola en passant par le Pakistan. Des gens en veulent aux centres financiers internationaux, dégoûtés de la misère africaine et de l’attitude des pays riches, pensant en ce sens que le monde n’en vaut pas la peine. Ils ont tissé leur toile via des paramètres informatiques compliqués qu’un jeune hacker repenti, Robert Modin va tenter de démêler. D’autre part, Wallander est accusé et vilipendé par la presse parce qu’il a giflé une des adolescentes qui agressait sa mère. Même Martinsson, son fidèle bras droit, lui retire sa confiance et conspire contre lui. Ses collègues l’abandonnent et malgré tout, il continue, nuits d’insomnie sur nuits d’insomnie, seule son enquête compte car il sent que les enjeux sont graves. La solitude de Wallander ajoute à la noirceur des circonstances. Peut-il encore se fier aux femmes ? La fin fera apparaître un rayon de soleil en la personne de Linda, sa fille.
Ce roman de Mankell, traite de la mise en échec de la mondialisation. Le livre est plutôt volumineux car l’enquête est lente, Wallander est à la fois un instinctif et un raisonneur. On se rend compte que son travail de policier est une suite de détails anodins répétitifs surtout, comme si le fait de revoir les choses relançait la réflexion. A la fin, le mystère n’est pas totalement résolu, ce qui doit être le cas d’une bonne partie des enquêtes de police. Réalisme donc. Enfin, on notera malgré une stature de héros qui dort peu et ne vit que par son devoir Wallander est un personnage attachant et jamais l’auteur ne se laisse piéger par le manichéisme inhérent au genre : Carter et Falk ont de bonnes raisons d’agir ainsi même si leur projet est fou. Wallander est trop replié sur lui-même pour susciter la compassion. Les autres ne le comprennent pas toujours mais il ne les ménage pas non plus. Reste un petit bijou de cohérence. On en peut que saluer l’imagination incroyable de Mankell et un réel professionnalisme dans son travail d’écrivain de policiers.
Lectures Henning MANKELL-La Lionne Blanche
Henning MANKELL
La Lionne Blanche
Traduit du Suédois par Anna Gibson
(4ème de couverture)
En Scanie, par un bel après-midi d’avril 1992, Louise Akerblon, agente immobilière et jeune mère de famille, disparaît dans des conditions mystérieuses. Pendant ce temps, en Afrique du Sud, un groupe d’Afrikaners fanatiques prépare avec soin un attentat contre une importante figure politique.
Quelques jours plus tard, le corps de Louise, le front troué d’une balle, est repêché dans un puits. L’inspecteur Wallander et son équipe enquêtent. Mais le passé de la victime est limpide et les recherches piétinent. C’est alors que les policiers découvrent sur les lieux du crime le doigt tranché d’un homme noir.
Y aurait-il un lien entre les deux affaires ?
La suite ? Un télescopage vertigineux entre la réalité quotidienne de la province suédoise et la lutte politique sanglante qui se déchaîne au même moment à l’autre bout du monde.
Or Wallander en sait peu sur l’apartheid. Il n’est guère plus au fait de la situation internationale. Par exemple, il ignore la relation qui peut exister entre l’ex-KGB et les nationalistes blancs d’Afrique du Sud. Cette fois, ce n’est plus le sort de quelques individus qu’il a entre les mains, c’est le destin de la nation.
Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre le Mozambique et la Suéde. Ecrivain multiforme – auteur de théâtre, d’ouvrages pour la jeunesse, d’essais et de comtes philosophiques - il est célèbre dans le monde entier pour sa série d’enquête policières menées par l’inspecteur Wallander.
(Les personnages principaux :)
Kurt Wallander, Martinsson, Björk, Svedberg,Linda.
(1ere phrase :)
Le vendredi 24 avril, peu après quinze heures, l’agente immobilière Louise Akerblom sortit des bureaux de la Caisse d’épargne de Skurup et s’attarda sur le trottoir pour respirer l’air printanier.
(Dernière phrase :)
Il n’était pas en premier lieu un Boer, un homme blanc.
Il était un Africain
430 pages – Editions Seuil
(Aide mémoire perso :)
Sous le charme. Je n'ai pas d'autres mots.
Un polar politique, avec les problèmes de l'apartheid en Afrique du sud. Pas un simple polar avec un meurtre, une enquête et un assassin qui tombe le masque en fin de volume. Ce serait trop facile et Mankell n'est pas un homme facile. On sait très vite comment les choses se sont passées, on avance même un peu plus vite que les flics dans notre tête mais le contexte prend place peu à peu et il est important, vital même. Contexte politique, sociologique, historique... Mankell aime prendre son temps et nous raconter les choses en détail.
Au fil des pages, deux histoires distinctes, l'une en Suède et l'autre en Afrique du sud, qui finissent par se croiser et ne plus faire qu'une. Une tension psychologique bien palpable s'ajoute au climat sud-africain que Mankell décrit avec beaucoup de justesse.
L'éditeur Seuil n'a pas respecté l'ordre chronologique d'écriture de Mankell, c'est souvent comme ça avec les auteurs qui ont, à l'étranger, un succès tardif mais important, on ressort les premiers volumes. Inutile de s'en plaindre après tout, les histoires du commissaire Wallander se lisent bien les unes sans les autres et puis un Mankell supplémentaire, on ne va pas bouder son plaisir!
La Lionne Blanche
Traduit du Suédois par Anna Gibson
(4ème de couverture)
En Scanie, par un bel après-midi d’avril 1992, Louise Akerblon, agente immobilière et jeune mère de famille, disparaît dans des conditions mystérieuses. Pendant ce temps, en Afrique du Sud, un groupe d’Afrikaners fanatiques prépare avec soin un attentat contre une importante figure politique.
Quelques jours plus tard, le corps de Louise, le front troué d’une balle, est repêché dans un puits. L’inspecteur Wallander et son équipe enquêtent. Mais le passé de la victime est limpide et les recherches piétinent. C’est alors que les policiers découvrent sur les lieux du crime le doigt tranché d’un homme noir.
Y aurait-il un lien entre les deux affaires ?
La suite ? Un télescopage vertigineux entre la réalité quotidienne de la province suédoise et la lutte politique sanglante qui se déchaîne au même moment à l’autre bout du monde.
Or Wallander en sait peu sur l’apartheid. Il n’est guère plus au fait de la situation internationale. Par exemple, il ignore la relation qui peut exister entre l’ex-KGB et les nationalistes blancs d’Afrique du Sud. Cette fois, ce n’est plus le sort de quelques individus qu’il a entre les mains, c’est le destin de la nation.
Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre le Mozambique et la Suéde. Ecrivain multiforme – auteur de théâtre, d’ouvrages pour la jeunesse, d’essais et de comtes philosophiques - il est célèbre dans le monde entier pour sa série d’enquête policières menées par l’inspecteur Wallander.
(Les personnages principaux :)
Kurt Wallander, Martinsson, Björk, Svedberg,Linda.
(1ere phrase :)
Le vendredi 24 avril, peu après quinze heures, l’agente immobilière Louise Akerblom sortit des bureaux de la Caisse d’épargne de Skurup et s’attarda sur le trottoir pour respirer l’air printanier.
(Dernière phrase :)
Il n’était pas en premier lieu un Boer, un homme blanc.
Il était un Africain
430 pages – Editions Seuil
(Aide mémoire perso :)
Sous le charme. Je n'ai pas d'autres mots.
Un polar politique, avec les problèmes de l'apartheid en Afrique du sud. Pas un simple polar avec un meurtre, une enquête et un assassin qui tombe le masque en fin de volume. Ce serait trop facile et Mankell n'est pas un homme facile. On sait très vite comment les choses se sont passées, on avance même un peu plus vite que les flics dans notre tête mais le contexte prend place peu à peu et il est important, vital même. Contexte politique, sociologique, historique... Mankell aime prendre son temps et nous raconter les choses en détail.
Au fil des pages, deux histoires distinctes, l'une en Suède et l'autre en Afrique du sud, qui finissent par se croiser et ne plus faire qu'une. Une tension psychologique bien palpable s'ajoute au climat sud-africain que Mankell décrit avec beaucoup de justesse.
L'éditeur Seuil n'a pas respecté l'ordre chronologique d'écriture de Mankell, c'est souvent comme ça avec les auteurs qui ont, à l'étranger, un succès tardif mais important, on ressort les premiers volumes. Inutile de s'en plaindre après tout, les histoires du commissaire Wallander se lisent bien les unes sans les autres et puis un Mankell supplémentaire, on ne va pas bouder son plaisir!
Lectures Chuck PALAHNIUK-Berceuse
Chuck PALAHNIUK
Berceuse
Traduit de l’américain par Freddy Michalski
(4ème de couverture)
Carl Streator est journaliste et mène une enquête sur le phénomène de la mort subite du nourrisson. Au cours de ses recherches, il fait la connaissance de John Nash, un ambulancier nécrophile, et se rend compte que les parents des victimes ont tous lu à leur enfant une certaine berceuse tirée d’un livre de poèmes dont il reste deux cents exemplaires dans tout le pays.
Au cours de ses investigations, Carl rencontre Helen Hoover Boyle, agent immobilier spécialiste de maisons hantées ; elle lui apprend que la berceuse est en réalité un sort maléfique tiré malencontreusement d’un livre de sorcellerie, le livre des Ombres , qui contient tous les enchantements, bons ou mauvais, accumulés au cours des siècles par les sorciers.
Carl et Helen, accompagnés d’un écolo radical et d’une mystique New Age, traversent les Etats-Unis à la recherche de tous les exemplaires existants, avec le secret espoir de trouver aussi le grimoire original du « livre des Ombres ».
Mais à quoi bon tenter de résumer un roman de Chuck Palahnuik ? Comme les autres Berceuse est une bombe à retardement, un livre rétroactif, un nouveau tour de magie d’un auteur qui est en train de créer, en toute discrétion, une des œuvres les plus originales et les plus radicales de la littérature américaine de ce début de siècle.
Chuck Palahnuik est diplômé de l’université de l’Orégon. Il vit aux environ de Portland entouré de ses chiens. Il est l’auteur de « Fight Club », roman culte récompensé en 1999 par « La Pacific Northwest Booksellers Association » et adapté au cinéma.
Berceuse est son quatrième roman à paraître dans la noire
(1ere phrase :)
Le problème de tout récit, c’est que vous le racontez après l’événement.
(Dernière phrase :)
Aujourd’hui, c’est ça, ma vie.
316 pages – Editions Gallimard – La Noire 2004 pour la traduction française
(Aide mémoire perso :)
De Chuck Palahniuk, on retient pour l’instant qu’il est l’auteur de Fight Club, ce roman de forcené schizo, cartonnant les violences d’une société américaine au bord de la rupture. C’est oublier ses autres romans : le non moins violent Survivant, le libidineux Choke, le faux calme Monstres invisibles… A cette impressionnante succession de romans remarquables s’ajoute le désormais fantastico-road movie Berceuse, traduit par Fred Michalski.
Chaque lecture de Palahniuk est une baffe esthétique, une leçon d’écriture magistrale. A l’instar de ces contemporains, il a dépassé le cap de la satire sociale pour mieux saisir nos faux-semblants, nos zones grises, les non-dits, les mirages. En cela, Palahniuk est certainement à l’heure actuelle l’écrivain qui saisit le mieux l’instant F, ce bref regard de folie que nous avons tous à un moment donné de notre vie, celui qui peut nous faire basculer, mais avec Palahniuk, ses personnages ont depuis longtemps sauté le pas. Chaque roman fait découvrir une facette du talent de cet écrivain. Il n’a pas un style, mais plusieurs qu’il adapte à son histoire et ses personnages. Des trucs narratifs précis qui en une phrase dénoncent, critiquent, morcellent ; des bouts de phrases qui déconstruisent complètement le récit mais jouent avec le lecteur, l’emportant dans un jeu hallucinant et hallucinatoire.
Avec Berceuse, l’écrivain américain poursuit sa déjà longue réflexion sur l’autodestruction de l’individu en société. Détournant les clichés classiques du serial killer, l’auteur nous emmène dans un road-movie ésotérique, une équipée sauvage à la recherche d’une berceuse dont la récitation provoque chez les nourrissons une mort subite. Dans ce roman, il n’y a pas une vie mais plusieurs qui s’entrecroisent, donnant l’impression d’une toile géante qui communique sans cesse. La rumeur traîne, s’amplifie et parasite nos sociétés d’extrême communication et dans ce contexte, les mots tuent aussi lorsqu’ils sont utilisés à notre corps défendant dans un geste de ras-le-bol.
Il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce roman : soit on le lit de manière quasi-linéaire et se découvre sous nos yeux la trame classique d’un road-movie, soit on prend résolument les chemins de traverse – et là on comprend toute l’importance de ces petits « trucs narratifs » – et on plonge résolument dans une myriade d’histoires alternatives, servies par des personnages à l’apparence anodine mais qui se découvrent être de véritables squelettes cachés dans autant de placards.
Vous l’aurez donc compris, ce roman est monstrueux et son auteur, un monstre d’écrivain.
Berceuse
Traduit de l’américain par Freddy Michalski
(4ème de couverture)
Carl Streator est journaliste et mène une enquête sur le phénomène de la mort subite du nourrisson. Au cours de ses recherches, il fait la connaissance de John Nash, un ambulancier nécrophile, et se rend compte que les parents des victimes ont tous lu à leur enfant une certaine berceuse tirée d’un livre de poèmes dont il reste deux cents exemplaires dans tout le pays.
Au cours de ses investigations, Carl rencontre Helen Hoover Boyle, agent immobilier spécialiste de maisons hantées ; elle lui apprend que la berceuse est en réalité un sort maléfique tiré malencontreusement d’un livre de sorcellerie, le livre des Ombres , qui contient tous les enchantements, bons ou mauvais, accumulés au cours des siècles par les sorciers.
Carl et Helen, accompagnés d’un écolo radical et d’une mystique New Age, traversent les Etats-Unis à la recherche de tous les exemplaires existants, avec le secret espoir de trouver aussi le grimoire original du « livre des Ombres ».
Mais à quoi bon tenter de résumer un roman de Chuck Palahnuik ? Comme les autres Berceuse est une bombe à retardement, un livre rétroactif, un nouveau tour de magie d’un auteur qui est en train de créer, en toute discrétion, une des œuvres les plus originales et les plus radicales de la littérature américaine de ce début de siècle.
Chuck Palahnuik est diplômé de l’université de l’Orégon. Il vit aux environ de Portland entouré de ses chiens. Il est l’auteur de « Fight Club », roman culte récompensé en 1999 par « La Pacific Northwest Booksellers Association » et adapté au cinéma.
Berceuse est son quatrième roman à paraître dans la noire
(1ere phrase :)
Le problème de tout récit, c’est que vous le racontez après l’événement.
(Dernière phrase :)
Aujourd’hui, c’est ça, ma vie.
316 pages – Editions Gallimard – La Noire 2004 pour la traduction française
(Aide mémoire perso :)
De Chuck Palahniuk, on retient pour l’instant qu’il est l’auteur de Fight Club, ce roman de forcené schizo, cartonnant les violences d’une société américaine au bord de la rupture. C’est oublier ses autres romans : le non moins violent Survivant, le libidineux Choke, le faux calme Monstres invisibles… A cette impressionnante succession de romans remarquables s’ajoute le désormais fantastico-road movie Berceuse, traduit par Fred Michalski.
Chaque lecture de Palahniuk est une baffe esthétique, une leçon d’écriture magistrale. A l’instar de ces contemporains, il a dépassé le cap de la satire sociale pour mieux saisir nos faux-semblants, nos zones grises, les non-dits, les mirages. En cela, Palahniuk est certainement à l’heure actuelle l’écrivain qui saisit le mieux l’instant F, ce bref regard de folie que nous avons tous à un moment donné de notre vie, celui qui peut nous faire basculer, mais avec Palahniuk, ses personnages ont depuis longtemps sauté le pas. Chaque roman fait découvrir une facette du talent de cet écrivain. Il n’a pas un style, mais plusieurs qu’il adapte à son histoire et ses personnages. Des trucs narratifs précis qui en une phrase dénoncent, critiquent, morcellent ; des bouts de phrases qui déconstruisent complètement le récit mais jouent avec le lecteur, l’emportant dans un jeu hallucinant et hallucinatoire.
Avec Berceuse, l’écrivain américain poursuit sa déjà longue réflexion sur l’autodestruction de l’individu en société. Détournant les clichés classiques du serial killer, l’auteur nous emmène dans un road-movie ésotérique, une équipée sauvage à la recherche d’une berceuse dont la récitation provoque chez les nourrissons une mort subite. Dans ce roman, il n’y a pas une vie mais plusieurs qui s’entrecroisent, donnant l’impression d’une toile géante qui communique sans cesse. La rumeur traîne, s’amplifie et parasite nos sociétés d’extrême communication et dans ce contexte, les mots tuent aussi lorsqu’ils sont utilisés à notre corps défendant dans un geste de ras-le-bol.
Il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce roman : soit on le lit de manière quasi-linéaire et se découvre sous nos yeux la trame classique d’un road-movie, soit on prend résolument les chemins de traverse – et là on comprend toute l’importance de ces petits « trucs narratifs » – et on plonge résolument dans une myriade d’histoires alternatives, servies par des personnages à l’apparence anodine mais qui se découvrent être de véritables squelettes cachés dans autant de placards.
Vous l’aurez donc compris, ce roman est monstrueux et son auteur, un monstre d’écrivain.
Lectures Roy LEWIS-Pourquoi j’ai mangé mon père
Roy LEWISPourquoi j’ai mangé mon pèreTraduit de l’anglais par Vercors et Rita Barisse(4ème de couverture)Approchez Homo sapiens ! Ce livre vous fera hurler de rire ! Faites la connaissance d’une famille préhistorique : Edouard, le père, génial inventeur qui va changer la face du monde en ramenant le feu ; Vania, l’oncle réac, ennemi du progrès ; Ernest le narrateur, un tantinet benêt ; Edwige, Griselda et autre ravissantes donzelles…
Ces êtres délicieux font le monde autour d’un feu en dégustant des os à moelle. Regardez-les découvrir l’amour, s’essayer à la drague, se battre avec l’évolution…
Situations rocambolesques, personnages hilarants d’un monde où l’hommes est pourtant déjà homme : batailleur, jaloux, ingrat et aussi rétrograde. Un miroir à consulter souvent. Pour rire et réfléchir.(Les personnages principaux :)Edouard, Vania, Ernest, Edwige, Griselda…(1ere phrase :)A présent nous étions sûrs de nous en tirer.(Dernière phrase :)Et d’autre part, depuis longtemps pour vous c’est l’heure d’aller au lit.
183 pages – Pocket février 1994(Aide mémoire perso :)Edouard est un hominien quelque part au fond de l’Afrique. En scientifique préhistorique il est obsédé par l’Evolution qui doit permettre au genre humain de dominer le monde. Roy Lewis fait raconter son histoire par son fils... mais l’histoire d’Edouard c’est aussi la notre, c’est l’invention du Feu, de l’Amour, de l’Art, de la Cuisine mais aussi de la Politique... voir de la RealPolitik !
C’est que la vie des hominés à l’époque n’est pas simple : devenir omnivore est tout sauf une sinécure, il faut passer des heures précieuses à mastiquer sinon gare aux indigestions. En plus les multiples prédateurs ne sont guères impressionnés par les bâtons et autres silex... comment s’en sortir dans ces conditions ?
Un beau jour, Edouard en a assez et a l’idée d’aller chercher le feu dans un volcan voisin. Que de progrès avec ce feu à domicile, il ouvre le champ à de "prodigieuses possibilités"...
Edouard, obsédé par l’Evolution ne va pas s’arrêter là et va pousser sa famille à l’inventivité : Amour, Art, Cuisine, Mode, Armes, Economie...
Ce chaînon crucial de l’Humanité Roy Lewis a eu l’idée de le traiter avec un texte bourré d’anachronisme drôllissimes... Un seul exemple : l’oncle Vania, le réfractaire au progrès explique à son frère qu’il lit dans son esprit comme dans un ... enfin bref qu’il voit très bien où il veut en venir...
Bref on rit beaucoup et on apprend comment la nature a pu faire d’un simple singe un peu maladroit notre espèce tout de même bien étonnante...
Ces êtres délicieux font le monde autour d’un feu en dégustant des os à moelle. Regardez-les découvrir l’amour, s’essayer à la drague, se battre avec l’évolution…
Situations rocambolesques, personnages hilarants d’un monde où l’hommes est pourtant déjà homme : batailleur, jaloux, ingrat et aussi rétrograde. Un miroir à consulter souvent. Pour rire et réfléchir.(Les personnages principaux :)Edouard, Vania, Ernest, Edwige, Griselda…(1ere phrase :)A présent nous étions sûrs de nous en tirer.(Dernière phrase :)Et d’autre part, depuis longtemps pour vous c’est l’heure d’aller au lit.
183 pages – Pocket février 1994(Aide mémoire perso :)Edouard est un hominien quelque part au fond de l’Afrique. En scientifique préhistorique il est obsédé par l’Evolution qui doit permettre au genre humain de dominer le monde. Roy Lewis fait raconter son histoire par son fils... mais l’histoire d’Edouard c’est aussi la notre, c’est l’invention du Feu, de l’Amour, de l’Art, de la Cuisine mais aussi de la Politique... voir de la RealPolitik !
C’est que la vie des hominés à l’époque n’est pas simple : devenir omnivore est tout sauf une sinécure, il faut passer des heures précieuses à mastiquer sinon gare aux indigestions. En plus les multiples prédateurs ne sont guères impressionnés par les bâtons et autres silex... comment s’en sortir dans ces conditions ?
Un beau jour, Edouard en a assez et a l’idée d’aller chercher le feu dans un volcan voisin. Que de progrès avec ce feu à domicile, il ouvre le champ à de "prodigieuses possibilités"...
Edouard, obsédé par l’Evolution ne va pas s’arrêter là et va pousser sa famille à l’inventivité : Amour, Art, Cuisine, Mode, Armes, Economie...
Ce chaînon crucial de l’Humanité Roy Lewis a eu l’idée de le traiter avec un texte bourré d’anachronisme drôllissimes... Un seul exemple : l’oncle Vania, le réfractaire au progrès explique à son frère qu’il lit dans son esprit comme dans un ... enfin bref qu’il voit très bien où il veut en venir...
Bref on rit beaucoup et on apprend comment la nature a pu faire d’un simple singe un peu maladroit notre espèce tout de même bien étonnante...
Lectures Naguib MAHFOUZ-Dérives sur le Nil
Naguib MAHFOUZ
Dérives sur le Nil
Traduit de l’arabe par France Douvier Meyer, revue par Selma Fakhry Fourcassié et Bernard Wallet
(4ème de couverture)
Avril, mois de la poussière et des mensonges. Une péniche amarrée à une berge du Nil, au Caire. Chaque soir, s’y réunit la « famille », composée de sept personnes : une traductrice, un écrivain, un critique, un comédien, un avocat, un homme d’affaires, enfin, Anis Zaki, modeste fonctionnaire, mais homme de grande culture, leur hôte à tous, et leur obligé. C’est lui, assisté du vieil Addu, qui prépare le narguilé. Un jour, une jeune journaliste, Samara Bahjat, se mêle à cette assemblée d’intellectuels désabusés dont elle ne partage ni le goût pour le haschisch, ni le nihilisme, ni l’humour cocasse, ni l’art de la conversation absurde. Et le drame éclate qui les met devant la nécessité soit de renoncer à leur carrière, puisqu’ils la prétendaient futile, dérisoire, soit d’être infidèles à eux-mêmes.
(Les personnages principaux :)
Anis Zaki, Am Abdu…
(1ere phrase :)
Avril, mois de la poussière et des mensonges.
(Dernière phrase :)
Il saisit d’une main une branche, et de l’autre une pierre, puis il s’avaça, méfiant, portant son regard sur une route sans fin…
190pages – Editions Denoël 1989 Editions Folio
(Aide mémoire perso :)Le Nil. Une péniche. Celle de Anis Zaki. Un monde à part, le soir, la nuit, quand la bande d’amis se réunit pour fumer le haschisch au narguilé. Un monde qui nous est inconnu et qui transparait d’une lenteur et d’une douceur toute fluviales. Le Nil, le long Nil …
Anis Zaki est fonctionnaire. On a vu plus motivé ! Sa raison de vivre pratiquement, ou ce qu’elle est devenue, est les soirées-nuits pendant lesquelles ses 6 amis : un écrivain, un critique littéraire, une traductrice, un acteur, un avocat, un homme d’affaires, viennent pour refaire le monde, autour du narguilé, au même rythme fluvial ralenti que le Nil.
Cette petite société est vaguement décadente, vaguement dépravée, rien de bien méchant et Naguib Mahfouz nous décrit tout cela très bien. L’ambiance de la nuit égyptienne au bord du Nil est très prenante et la ville du Caire en est surréalistement exclue.
Et puis s’invite une journaliste, Samara. Elle a bien une idée derrière la tête, mais s’ils s’en doutent, les sept ne le savent pas. Enfin pas tous … Et puis Samara n’est pas haschaschin (qui entre parenthèse a donné naissance au mot assassin en français). Et puis par elle va arriver le drame. Le drame qui servira de révélateur aux différentes personnalités, qui montrera la fragilité des rapports humains …
« Le fumoir était prêt. Les matelas étaient disposés en un large croissant, juste devant le pont. Au milieu, un grand plateau de cuivre où étaient rassemblés le narguilé et tout le nécessaire. Le crépuscule enveloppa l’eau et les arbres ; dans l’air s’installa une douceur rêveuse. Des vols de pigeons blancs passaient au-dessus du Nil. Anis, accroupi derrière le plateau, contemplait le coucher de soleil d’un air ensommeillé, goûtant amoureusement la senteur lourde de l’eau. »
C’est un peu compliqué à lire au départ. Eh bien oui ! Anis et ses amis sont haschaschins, quasi en permanence dans le récit sous l’emprise du haschisch … et donc forcément … la cohérence, la rigueur … Il y a donc les pensées d’Anis qui dérivent au petit bonheur la chance, genre cheveu sur la soupe, et auxquelles on finit par s’habituer. A force. Pas de suite. Ca, ça freine un peu. Une fois qu’on a compris, « Dérives sur le Nil » se dévore. Se dévore car on se demande bien comment ça peut finir. On se demande …
Dérives sur le Nil
Traduit de l’arabe par France Douvier Meyer, revue par Selma Fakhry Fourcassié et Bernard Wallet
(4ème de couverture)
Avril, mois de la poussière et des mensonges. Une péniche amarrée à une berge du Nil, au Caire. Chaque soir, s’y réunit la « famille », composée de sept personnes : une traductrice, un écrivain, un critique, un comédien, un avocat, un homme d’affaires, enfin, Anis Zaki, modeste fonctionnaire, mais homme de grande culture, leur hôte à tous, et leur obligé. C’est lui, assisté du vieil Addu, qui prépare le narguilé. Un jour, une jeune journaliste, Samara Bahjat, se mêle à cette assemblée d’intellectuels désabusés dont elle ne partage ni le goût pour le haschisch, ni le nihilisme, ni l’humour cocasse, ni l’art de la conversation absurde. Et le drame éclate qui les met devant la nécessité soit de renoncer à leur carrière, puisqu’ils la prétendaient futile, dérisoire, soit d’être infidèles à eux-mêmes.
(Les personnages principaux :)
Anis Zaki, Am Abdu…
(1ere phrase :)
Avril, mois de la poussière et des mensonges.
(Dernière phrase :)
Il saisit d’une main une branche, et de l’autre une pierre, puis il s’avaça, méfiant, portant son regard sur une route sans fin…
190pages – Editions Denoël 1989 Editions Folio
(Aide mémoire perso :)Le Nil. Une péniche. Celle de Anis Zaki. Un monde à part, le soir, la nuit, quand la bande d’amis se réunit pour fumer le haschisch au narguilé. Un monde qui nous est inconnu et qui transparait d’une lenteur et d’une douceur toute fluviales. Le Nil, le long Nil …
Anis Zaki est fonctionnaire. On a vu plus motivé ! Sa raison de vivre pratiquement, ou ce qu’elle est devenue, est les soirées-nuits pendant lesquelles ses 6 amis : un écrivain, un critique littéraire, une traductrice, un acteur, un avocat, un homme d’affaires, viennent pour refaire le monde, autour du narguilé, au même rythme fluvial ralenti que le Nil.
Cette petite société est vaguement décadente, vaguement dépravée, rien de bien méchant et Naguib Mahfouz nous décrit tout cela très bien. L’ambiance de la nuit égyptienne au bord du Nil est très prenante et la ville du Caire en est surréalistement exclue.
Et puis s’invite une journaliste, Samara. Elle a bien une idée derrière la tête, mais s’ils s’en doutent, les sept ne le savent pas. Enfin pas tous … Et puis Samara n’est pas haschaschin (qui entre parenthèse a donné naissance au mot assassin en français). Et puis par elle va arriver le drame. Le drame qui servira de révélateur aux différentes personnalités, qui montrera la fragilité des rapports humains …
« Le fumoir était prêt. Les matelas étaient disposés en un large croissant, juste devant le pont. Au milieu, un grand plateau de cuivre où étaient rassemblés le narguilé et tout le nécessaire. Le crépuscule enveloppa l’eau et les arbres ; dans l’air s’installa une douceur rêveuse. Des vols de pigeons blancs passaient au-dessus du Nil. Anis, accroupi derrière le plateau, contemplait le coucher de soleil d’un air ensommeillé, goûtant amoureusement la senteur lourde de l’eau. »
C’est un peu compliqué à lire au départ. Eh bien oui ! Anis et ses amis sont haschaschins, quasi en permanence dans le récit sous l’emprise du haschisch … et donc forcément … la cohérence, la rigueur … Il y a donc les pensées d’Anis qui dérivent au petit bonheur la chance, genre cheveu sur la soupe, et auxquelles on finit par s’habituer. A force. Pas de suite. Ca, ça freine un peu. Une fois qu’on a compris, « Dérives sur le Nil » se dévore. Se dévore car on se demande bien comment ça peut finir. On se demande …
Lectures John Kennedy TOOLE-La conjuration des imbéciles
John Kennedy TOOLE
La conjuration des imbécilesTraduit de l’américain par Jean-Pierre Carasso(4ème de couverture)Ecrit au début des années soixante par un jeune inconnu qui devait se suicider en 1969, à l’âge de trente-deux ans, parce qu’il se croyait un écrivain raté, La conjuration des imbéciles n’a été éditée qu’en 1980. Le plus drôle dans cette histoire, pour peu qu’on goûte l’humour noir, c’est qu’aussitôt publié, le roman a connu un immense succès outre-atlantique et s’est vu couronné en 1981 par le prestigieux prix Pulitzer. Une façon pour les Américains de démentir à retardement le pied de nez posthume que leur adressait l’écrivain, plaçant en exergue à son livre cette citation de Swift : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ».
(Les personnages principaux :)
Ignatius(1ere phrase :)Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d’une tête.(Dernière phrase :)Saisissant la natte dans une de ses grosses pattes, il la pressa chaleureusement contre sa moustache humide.
533 pages – Editions Robert Laffont 1981 pour la traduction française
Editions 10/18(Aide mémoire perso :)
Alors là grande classe : un livre parfait, du niveau de « Eurêka Street ».
Un livre hilarant, burlesque, poétique, désespéré, politique, mystérieux, romantique, crade, profondément original, bien écrit, bien traduit la plupart du temps, épais, dense. Bref à lire et à relire.
Voici donc la fabuleuse épopée d’Ignatius Reily, génie mégalomane de 28 ans en guerre avec la société : obèse, moustachu, fin lettré, il vit chez sa mère à la Nouvelle-Orléans, dont il n’est sorti qu’une fois pour se rendre à Baton-Rouge mais on n’est pas près de l’y reprendre, et travaille à son œuvre. Sa philosophie met en avant la théologie et la géométrie et s’inspire de l’œuvre du romain Boèce, apparemment un stoïque pour lequel toute volonté de succès est méprisable. Avec son anneau pylorique capricieux, son considérable surpoids, sa crasse, sa maladresse, sa mauvaise foi, son égoïsme et son combat anti-social, Ignatius est rejeté de toute part, mais il n’en a cure. Seule sa mère qui subvient à ses besoins, et Myrna Minkoff son amoureuse platonique rencontrée à l’université, entretiennent des relations avec lui. Jusqu’au jour où à la suite de complications financières, la mère d’Ignatius le contraint à aller chercher du travail. S’en suit une avalanche de catastrophes et de fiascos, aux pantalons Levy dans un premier temps, puis au Paradise Vendors de Mr Clyde (magnat de la Francfort), parsemés de combats politiques houleux tels que la croisade pour la fierté des Maures ou l’avènement de la paix universelle par la réservation de la carrière militaire aux seuls homosexuels. Ignatius profite de ses déboires pour alimenter son journal d’un jeune travailleur, très susceptible d’être adapté au cinéma et de clouer le bec à l’arrogante Myrna Minkoff. Toujours est-il que de déboires en cataclysmes, Ignatius se met dans de si sales draps que seule l’apparition in extremis de Myrna Minkoff permet de le sauver des infirmiers envoyés par sa mère pour l’interner : Ah l’amour…
Pour le burlesque et la galerie de personnages (Mr Jones, Lana Lee, Mr et Mrs Levy, Gonzalez, Mrs Trixie, Darlena, Mr Clyde, Mr Greene, etc…), on dirait du Pennac en plus profond, avec de la densité psychologique en dépit de figures parfaitement farfelues. Là-dessus Ignatius est un génie dont la culture et le vocabulaire sont vastes, et la peinture de l’Amérique des années 60 est à la fois originale et cruelle (l’obsession des « communisses », l’agent de police Mancuso désespérément à la recherche d’un suspect, les noirs et l’esclavage moderne, le « bouligne »…). Ignatius entretient une relation étonnante avec la télé et le cinéma : il se délecte du mauvais goût et de la vulgarité des programmes et ne les raterait pour rien au monde, tant il a plaisir à détester ce spectacle. De même, quand il est particulièrement satisfait d’un de ses écrits, il le qualifie de « commercial ». Une des qualités de ce livre et de ses personnages est ainsi de laisser de la place aux paradoxes et aux contradictions. C’est de là que vient l’épaisseur.
L’épaisseur peut-être aussi vient de ce que l’associabilité d’Ignatius est sans doute en partie celle de l’auteur, qui s’est suicidé à 32 ans quelques années après avoir écrit ce livre, se croyant apparemment un écrivain raté. Peut-être tout simplement qu’il avait tout mis dans un seul livre.
La conjuration des imbécilesTraduit de l’américain par Jean-Pierre Carasso(4ème de couverture)Ecrit au début des années soixante par un jeune inconnu qui devait se suicider en 1969, à l’âge de trente-deux ans, parce qu’il se croyait un écrivain raté, La conjuration des imbéciles n’a été éditée qu’en 1980. Le plus drôle dans cette histoire, pour peu qu’on goûte l’humour noir, c’est qu’aussitôt publié, le roman a connu un immense succès outre-atlantique et s’est vu couronné en 1981 par le prestigieux prix Pulitzer. Une façon pour les Américains de démentir à retardement le pied de nez posthume que leur adressait l’écrivain, plaçant en exergue à son livre cette citation de Swift : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ».
(Les personnages principaux :)
Ignatius(1ere phrase :)Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d’une tête.(Dernière phrase :)Saisissant la natte dans une de ses grosses pattes, il la pressa chaleureusement contre sa moustache humide.
533 pages – Editions Robert Laffont 1981 pour la traduction française
Editions 10/18(Aide mémoire perso :)
Alors là grande classe : un livre parfait, du niveau de « Eurêka Street ».
Un livre hilarant, burlesque, poétique, désespéré, politique, mystérieux, romantique, crade, profondément original, bien écrit, bien traduit la plupart du temps, épais, dense. Bref à lire et à relire.
Voici donc la fabuleuse épopée d’Ignatius Reily, génie mégalomane de 28 ans en guerre avec la société : obèse, moustachu, fin lettré, il vit chez sa mère à la Nouvelle-Orléans, dont il n’est sorti qu’une fois pour se rendre à Baton-Rouge mais on n’est pas près de l’y reprendre, et travaille à son œuvre. Sa philosophie met en avant la théologie et la géométrie et s’inspire de l’œuvre du romain Boèce, apparemment un stoïque pour lequel toute volonté de succès est méprisable. Avec son anneau pylorique capricieux, son considérable surpoids, sa crasse, sa maladresse, sa mauvaise foi, son égoïsme et son combat anti-social, Ignatius est rejeté de toute part, mais il n’en a cure. Seule sa mère qui subvient à ses besoins, et Myrna Minkoff son amoureuse platonique rencontrée à l’université, entretiennent des relations avec lui. Jusqu’au jour où à la suite de complications financières, la mère d’Ignatius le contraint à aller chercher du travail. S’en suit une avalanche de catastrophes et de fiascos, aux pantalons Levy dans un premier temps, puis au Paradise Vendors de Mr Clyde (magnat de la Francfort), parsemés de combats politiques houleux tels que la croisade pour la fierté des Maures ou l’avènement de la paix universelle par la réservation de la carrière militaire aux seuls homosexuels. Ignatius profite de ses déboires pour alimenter son journal d’un jeune travailleur, très susceptible d’être adapté au cinéma et de clouer le bec à l’arrogante Myrna Minkoff. Toujours est-il que de déboires en cataclysmes, Ignatius se met dans de si sales draps que seule l’apparition in extremis de Myrna Minkoff permet de le sauver des infirmiers envoyés par sa mère pour l’interner : Ah l’amour…
Pour le burlesque et la galerie de personnages (Mr Jones, Lana Lee, Mr et Mrs Levy, Gonzalez, Mrs Trixie, Darlena, Mr Clyde, Mr Greene, etc…), on dirait du Pennac en plus profond, avec de la densité psychologique en dépit de figures parfaitement farfelues. Là-dessus Ignatius est un génie dont la culture et le vocabulaire sont vastes, et la peinture de l’Amérique des années 60 est à la fois originale et cruelle (l’obsession des « communisses », l’agent de police Mancuso désespérément à la recherche d’un suspect, les noirs et l’esclavage moderne, le « bouligne »…). Ignatius entretient une relation étonnante avec la télé et le cinéma : il se délecte du mauvais goût et de la vulgarité des programmes et ne les raterait pour rien au monde, tant il a plaisir à détester ce spectacle. De même, quand il est particulièrement satisfait d’un de ses écrits, il le qualifie de « commercial ». Une des qualités de ce livre et de ses personnages est ainsi de laisser de la place aux paradoxes et aux contradictions. C’est de là que vient l’épaisseur.
L’épaisseur peut-être aussi vient de ce que l’associabilité d’Ignatius est sans doute en partie celle de l’auteur, qui s’est suicidé à 32 ans quelques années après avoir écrit ce livre, se croyant apparemment un écrivain raté. Peut-être tout simplement qu’il avait tout mis dans un seul livre.
Lectures Robert McLIAM WILSON-Ripley Bogle
Robert McLIAM WILSON
Ripley BogleTraduit de l’anglais par Brice Matthieussent
(4ème de couverture)
A deux pas de Buckingham Palace, où les chiens sont mieux nourris que lui, Ripley Bogle, SDF irlandais de vingt et un ans, remâche les détails sordides et flamboyants de sa brève existence. La faim, la crasse et le froid sont ses seuls compagnons. Né à Belfast, d’une mère prostituée et d’un père chômeur, poivrot professionnel, Ripley manifeste des dons précoces : enfant surdoué puis tombeur notoire, il oscille constamment entre la déchéance et la gloire, les bas-fonds de Belfast et la prestigieuse université de Cambridge.
Ce premier roman d’un très jeune écrivain irlandais est à la fois un hymne lyrique à la ville et un acte de rébellion, un voyage au bout de la nuit londonienne et une grande aventure romanesque sur laquelle planent les ombres tutélaires de Charles Dickens et de George Orwell.
(Les personnages principaux :)
Ripley Bogle(1ere phrase :)On dirait que je consacre de plus en plus de temps à réfléchir à ma naissance.
(Dernière phrase :)
Plein d’aplomb et d’allégresse, je marche.
463 pages – Christian Bourgeois éditeur, 1996
pour la traduction française.
(Aide mémoire perso :)Parmi les ingrédients de cette irrésistible fable campant les déambulations et les élucubrations d’un vagabond tantôt brillant, tantôt bon à rien, on relève un sens comique inimitable, une verve phénoménale et une once de cynisme doux. Le tout donne un grand bol d’air frais absolument délectable, qui fera la nique au pessimisme le plus brut. A lire absolument lorsque la morosité guette!
Dans ce roman foisonnant, en partie autobiographique, Robert Mac Liam Wilson réinvente sa propre vie, avec la plume alerte et l’humour british qui sont sa marque de fabrique. L’auteur d’origine nord-irlandaise conte les pérégrinations de Ripley Bogle dans le Londres du «thatchérisme» triomphant. On suit ce sans-abri catholique, crasseux, affamé et désargenté durant quatre journées qui s’écoulent «dans la vérité sibérienne d’un mois de juin anglais». A chaque instant, le pauvre hère «risque de basculer et de mourir d’inanition pure et simple, alors [qu’il] se trouve à moins de trois cents mètres du Palais de Buckingham». Comme il a beaucoup de temps à disposition et peu de distractions, Ripley Bogle raconte, en un monologue débordant de digressions loufoques et de réflexions teintées de bon sens, sa difficile jeunesse dans les quartiers défavorisés et ultra politisés de Belfast, sa fuite forcée pour l’Angleterre et les accidents de la vie qui l’ont conduit à se retrouver dans la rue. Le tout est entrecoupé d’histoires d’amour impossibles, comme celle avec Deirdre, une jeune protestante de Belfast (il doit renoncer à cette relation, sous peine de se faire «trouer» les genoux par un oncle proche de l’IRA), ou celle avec Laura, une bourgeoise anglaise qu’il a rencontrée durant son bref séjour à l’Université de Cambridge (il en sera exclu pour conduite peu en phase avec le standing du lieu…).
Si Ripley Bogle échoue dans les rues londoniennes, il le doit en partie à un milieu familial pour le moins peu propice au développement harmonieux d’un enfant: «Après ma naissance, ma mère, Mme Betty Bogle, fut assaillie par la culpabilité. Elle avait convolé en justes noces un mois seulement avant ma naissance, mettant ainsi une fin prématurée à une carrière prometteuse et fort convenable de prostituée de bas étage et elle considéra que mon statut illégitime accentuait grandement mon aspect grotesque. Mon père, M. Bobby Bogle, acquiesça de tout cœur aux dires de ma brave maman. Cet ancien boulanger était un chômeur assidu, doté d’une réserve d’alcool miraculeusement inépuisable et de la conviction inébranlable de s’être marié en dessous de son rang. […] Les études approfondies de mon père dans le domaine de la dipsomanie devinrent de plus en plus absorbantes au fil des ans. Renonçant même à la perspective la plus vague de la recherche d’un emploi, il devint un ivrogne talentueux et à plein temps.» Quant à eux, ses sept frères «avaient hérité de la plupart des caractéristiques Bogle: bêtise incommensurable et délits mineurs. Georges, le cadet, battit plusieurs records familiaux en se faisant enregistrer ses empreintes digitales au poste de police à l’âge de huit ans. Il fut toujours le préféré du clan, un garçon plein de promesses.» Pour parachever le tout, les jeunes années du vagabond dandy furent marquées par le conflit sanglant qui embrasait l’Ulster: «Le Conflit de l’Irlande du Nord contribua grandement à animer mes jeunes années. […] J’ai passé une bonne partie de mon enfance à voir des choses que je n’aurais pas dû voir et à prendre connaissance de notions désagréables qui auraient sans doute pu attendre une bonne décennie avant d’entrer en scène dans ma vie. Le meurtre, la violence, le sang, les tripes et cent autres traits de la vie politique irlandaise ont tendance à freiner le développement d’un jeune être, comme vous pouvez l’imaginer ». On comprend effectivement que le jeune Ripley ait préféré plier baluchon pour tenter sa chance à Londres, une ville - a priori - plus accueillante que Belfast…
Ripley Bogle, adepte des hyperboles et autres oxymores, manipule la réalité et le lecteur avec un plaisir manifeste. Menteur fini, il orchestre une véritable stratégie narrative de dissimulation et de mystification. Confronté à plusieurs reprises à des affirmations totalement contradictoires ou grossièrement exagérées, le lecteur, déconcerté, se demande où se trouve la vérité. D’autant plus que Ripley Bogle avoue à la fin de son jubilatoire soliloque avoir menti à plusieurs reprises, sur des événements majeurs de sa vie. En dépit d’un sujet grave, à savoir la déchéance sociale, la déformation comique, grotesque ou parodique est quasiment systématique dans cet ouvrage. Elle apparaît comme un parti pris, une volonté manifeste de pratiquer la dérision à tout va, de tout tourner en ridicule. À cet égard, le récit de la naissance de Ripley Bogle est un véritable morceau d’anthologie: «De notoriété publique, une proportion prodigieuse des infirmières travaillant dans la salle que j’occupais modifièrent alors leur plan de carrière, à tout le moins, durent subir un traitement psychiatrique. Des rumeurs inquiètes circulèrent, parlant de naissance anormale, de lycanthropie, d’explosions subatomiques expérimentales et autres hideux prodiges.» Tout comme sa vision du conflit nord-irlandais: «Les protestants ont commis une grossière erreur avec les catholiques. Ils n’auraient pas dû les harceler ainsi. Il fallait que ça pète. Et ça a pété. Les catholiques d’Ulster constituaient peut-être une bande atterrante de poivrots, de bons à rien et d’analphabètes qui battaient leurs femmes, mais on découvrit bientôt qu’en dehors de mettre en cloque et à répétition leurs horribles harpies au point de pulvériser toutes les limites de la décence obstétriques, et en plus de leur talent stupéfiant pour encaisser les coups, ils avaient une troisième corde à leur arc: leur troisième don consistait bien sûr à tuer les gens. Et comment. Peu de peuples font ça mieux. Et voilà le travail. Telle était l’Irlande à notre naissance.»
Si l’autodérision de Ripley Bogle suscite le rire aux larmes, elle provoque aussi l’émotion du lecteur. Témoin la description de l’état de santé du SDF: «Oh, ma santé est mauvaise. Ma santé est défaillante. Ma santé est au trente-sixième dessous! Pour un être aussi jeune que moi, mon corps est dans un état de délabrement étonnamment avancé. Je suis anorexique, nécrosé, enflammé. J’ai le palais fissuré qui se desquame, les lèvres fibreuses et parfois scabreuses. Le menu de mes carences nutritionnelles est appétissant, il met l’eau à la bouche. Mes anémies, mon béribéri et mon chilose me volent maintes heures heureuses et je souffre d’atroces et constantes douleurs épigastriques. Mon ventre se distend et se contracte à volonté, comme un accordéon. Mon abdomen spongieux et parfois igné a inventé de nouvelles maladies et des tortures inédites. L’hypoglycémie, la stéatorrhée, la gastrite et l’oesophagite sont mes joyeuses compagnes. Ces vierges folles entonnent des arias inconfortables et acrobatiques. Et, ah, mon pauvre cœur saigne devant toute cette désolation! La bradycardie: ce terme décrit mal l’allure d’escargot de mon pouls et les impulsions molles, espacées de mes branlottements cardio-vasculaires. Mon vomi est parfaitement indescriptible et je préfèrerais ne pas évoquer l’état de mes dents. Oui, je suis assez mal loti question santé.»
On retrouve enfin dans Ripley Bogle une dénonciation sans concession des mécanismes à l’origine de la pauvreté au Royaume-Uni, une pauvreté qui s’est très fortement accrue sous les gouvernements Thatcher (1979-1990). Le sans-abri se gausse de son statut: «Je rends service aux riches. La richesse sert bien sûr à mesurer la distance qui sépare de la pauvreté. Il s’agit de savoir à quel point vous n’êtes pas pauvre. Crésus sait qu’il est Crésus seulement lorsqu’il peut voir un vagabond comme moi traîner ses basques loqueteuses devant sa demeure. Il a besoin de moi. Que seraient les riches sans moi? […] Incidemment, l’un des pires aspects de la dèche c’est l’arrivée, l’injection de sans-abri tout frais et plus pimpants. […] Ces amateurs ont été attirés dans la rue par la méritocratie forcenée des années quatre-vingt. On leur a appris à espérer un emploi, une vie et un toit; ou du moins un emploi merdique, une vie et un trou. A leur grande surprise, ils obtiennent encore moins que ça. D’ailleurs, la plupart n’obtiennent rien du tout. Un rien précis, chirurgical.» Quelques années après Ripley Bogle, Robert Mac Liam Wilson poussera plus avant la réflexion sur la pauvreté, dans l’excellent et pertinent essai Les dépossédés.
À mon sens, l'intérêt du livre réside moins dans l'histoire, toute captivante qu'elle puisse être nonobstant la (relative) banalité de son cours que dans la façon dont le récit nous emporte: Robert McLiam Wilson a une plume de valeur qui sait emmener son lecteur sur un rythme rapide et avec un style à la fois désopilant, émouvant et finalement réjouissant. C'est ce style, faussement oral et pleinement écrit, qui m'a franchement fait jubiler, bien plus que l'histoire comico-tragique de Ripley...
Ripley BogleTraduit de l’anglais par Brice Matthieussent
(4ème de couverture)
A deux pas de Buckingham Palace, où les chiens sont mieux nourris que lui, Ripley Bogle, SDF irlandais de vingt et un ans, remâche les détails sordides et flamboyants de sa brève existence. La faim, la crasse et le froid sont ses seuls compagnons. Né à Belfast, d’une mère prostituée et d’un père chômeur, poivrot professionnel, Ripley manifeste des dons précoces : enfant surdoué puis tombeur notoire, il oscille constamment entre la déchéance et la gloire, les bas-fonds de Belfast et la prestigieuse université de Cambridge.
Ce premier roman d’un très jeune écrivain irlandais est à la fois un hymne lyrique à la ville et un acte de rébellion, un voyage au bout de la nuit londonienne et une grande aventure romanesque sur laquelle planent les ombres tutélaires de Charles Dickens et de George Orwell.
(Les personnages principaux :)
Ripley Bogle(1ere phrase :)On dirait que je consacre de plus en plus de temps à réfléchir à ma naissance.
(Dernière phrase :)
Plein d’aplomb et d’allégresse, je marche.
463 pages – Christian Bourgeois éditeur, 1996
pour la traduction française.
(Aide mémoire perso :)Parmi les ingrédients de cette irrésistible fable campant les déambulations et les élucubrations d’un vagabond tantôt brillant, tantôt bon à rien, on relève un sens comique inimitable, une verve phénoménale et une once de cynisme doux. Le tout donne un grand bol d’air frais absolument délectable, qui fera la nique au pessimisme le plus brut. A lire absolument lorsque la morosité guette!
Dans ce roman foisonnant, en partie autobiographique, Robert Mac Liam Wilson réinvente sa propre vie, avec la plume alerte et l’humour british qui sont sa marque de fabrique. L’auteur d’origine nord-irlandaise conte les pérégrinations de Ripley Bogle dans le Londres du «thatchérisme» triomphant. On suit ce sans-abri catholique, crasseux, affamé et désargenté durant quatre journées qui s’écoulent «dans la vérité sibérienne d’un mois de juin anglais». A chaque instant, le pauvre hère «risque de basculer et de mourir d’inanition pure et simple, alors [qu’il] se trouve à moins de trois cents mètres du Palais de Buckingham». Comme il a beaucoup de temps à disposition et peu de distractions, Ripley Bogle raconte, en un monologue débordant de digressions loufoques et de réflexions teintées de bon sens, sa difficile jeunesse dans les quartiers défavorisés et ultra politisés de Belfast, sa fuite forcée pour l’Angleterre et les accidents de la vie qui l’ont conduit à se retrouver dans la rue. Le tout est entrecoupé d’histoires d’amour impossibles, comme celle avec Deirdre, une jeune protestante de Belfast (il doit renoncer à cette relation, sous peine de se faire «trouer» les genoux par un oncle proche de l’IRA), ou celle avec Laura, une bourgeoise anglaise qu’il a rencontrée durant son bref séjour à l’Université de Cambridge (il en sera exclu pour conduite peu en phase avec le standing du lieu…).
Si Ripley Bogle échoue dans les rues londoniennes, il le doit en partie à un milieu familial pour le moins peu propice au développement harmonieux d’un enfant: «Après ma naissance, ma mère, Mme Betty Bogle, fut assaillie par la culpabilité. Elle avait convolé en justes noces un mois seulement avant ma naissance, mettant ainsi une fin prématurée à une carrière prometteuse et fort convenable de prostituée de bas étage et elle considéra que mon statut illégitime accentuait grandement mon aspect grotesque. Mon père, M. Bobby Bogle, acquiesça de tout cœur aux dires de ma brave maman. Cet ancien boulanger était un chômeur assidu, doté d’une réserve d’alcool miraculeusement inépuisable et de la conviction inébranlable de s’être marié en dessous de son rang. […] Les études approfondies de mon père dans le domaine de la dipsomanie devinrent de plus en plus absorbantes au fil des ans. Renonçant même à la perspective la plus vague de la recherche d’un emploi, il devint un ivrogne talentueux et à plein temps.» Quant à eux, ses sept frères «avaient hérité de la plupart des caractéristiques Bogle: bêtise incommensurable et délits mineurs. Georges, le cadet, battit plusieurs records familiaux en se faisant enregistrer ses empreintes digitales au poste de police à l’âge de huit ans. Il fut toujours le préféré du clan, un garçon plein de promesses.» Pour parachever le tout, les jeunes années du vagabond dandy furent marquées par le conflit sanglant qui embrasait l’Ulster: «Le Conflit de l’Irlande du Nord contribua grandement à animer mes jeunes années. […] J’ai passé une bonne partie de mon enfance à voir des choses que je n’aurais pas dû voir et à prendre connaissance de notions désagréables qui auraient sans doute pu attendre une bonne décennie avant d’entrer en scène dans ma vie. Le meurtre, la violence, le sang, les tripes et cent autres traits de la vie politique irlandaise ont tendance à freiner le développement d’un jeune être, comme vous pouvez l’imaginer ». On comprend effectivement que le jeune Ripley ait préféré plier baluchon pour tenter sa chance à Londres, une ville - a priori - plus accueillante que Belfast…
Ripley Bogle, adepte des hyperboles et autres oxymores, manipule la réalité et le lecteur avec un plaisir manifeste. Menteur fini, il orchestre une véritable stratégie narrative de dissimulation et de mystification. Confronté à plusieurs reprises à des affirmations totalement contradictoires ou grossièrement exagérées, le lecteur, déconcerté, se demande où se trouve la vérité. D’autant plus que Ripley Bogle avoue à la fin de son jubilatoire soliloque avoir menti à plusieurs reprises, sur des événements majeurs de sa vie. En dépit d’un sujet grave, à savoir la déchéance sociale, la déformation comique, grotesque ou parodique est quasiment systématique dans cet ouvrage. Elle apparaît comme un parti pris, une volonté manifeste de pratiquer la dérision à tout va, de tout tourner en ridicule. À cet égard, le récit de la naissance de Ripley Bogle est un véritable morceau d’anthologie: «De notoriété publique, une proportion prodigieuse des infirmières travaillant dans la salle que j’occupais modifièrent alors leur plan de carrière, à tout le moins, durent subir un traitement psychiatrique. Des rumeurs inquiètes circulèrent, parlant de naissance anormale, de lycanthropie, d’explosions subatomiques expérimentales et autres hideux prodiges.» Tout comme sa vision du conflit nord-irlandais: «Les protestants ont commis une grossière erreur avec les catholiques. Ils n’auraient pas dû les harceler ainsi. Il fallait que ça pète. Et ça a pété. Les catholiques d’Ulster constituaient peut-être une bande atterrante de poivrots, de bons à rien et d’analphabètes qui battaient leurs femmes, mais on découvrit bientôt qu’en dehors de mettre en cloque et à répétition leurs horribles harpies au point de pulvériser toutes les limites de la décence obstétriques, et en plus de leur talent stupéfiant pour encaisser les coups, ils avaient une troisième corde à leur arc: leur troisième don consistait bien sûr à tuer les gens. Et comment. Peu de peuples font ça mieux. Et voilà le travail. Telle était l’Irlande à notre naissance.»
Si l’autodérision de Ripley Bogle suscite le rire aux larmes, elle provoque aussi l’émotion du lecteur. Témoin la description de l’état de santé du SDF: «Oh, ma santé est mauvaise. Ma santé est défaillante. Ma santé est au trente-sixième dessous! Pour un être aussi jeune que moi, mon corps est dans un état de délabrement étonnamment avancé. Je suis anorexique, nécrosé, enflammé. J’ai le palais fissuré qui se desquame, les lèvres fibreuses et parfois scabreuses. Le menu de mes carences nutritionnelles est appétissant, il met l’eau à la bouche. Mes anémies, mon béribéri et mon chilose me volent maintes heures heureuses et je souffre d’atroces et constantes douleurs épigastriques. Mon ventre se distend et se contracte à volonté, comme un accordéon. Mon abdomen spongieux et parfois igné a inventé de nouvelles maladies et des tortures inédites. L’hypoglycémie, la stéatorrhée, la gastrite et l’oesophagite sont mes joyeuses compagnes. Ces vierges folles entonnent des arias inconfortables et acrobatiques. Et, ah, mon pauvre cœur saigne devant toute cette désolation! La bradycardie: ce terme décrit mal l’allure d’escargot de mon pouls et les impulsions molles, espacées de mes branlottements cardio-vasculaires. Mon vomi est parfaitement indescriptible et je préfèrerais ne pas évoquer l’état de mes dents. Oui, je suis assez mal loti question santé.»
On retrouve enfin dans Ripley Bogle une dénonciation sans concession des mécanismes à l’origine de la pauvreté au Royaume-Uni, une pauvreté qui s’est très fortement accrue sous les gouvernements Thatcher (1979-1990). Le sans-abri se gausse de son statut: «Je rends service aux riches. La richesse sert bien sûr à mesurer la distance qui sépare de la pauvreté. Il s’agit de savoir à quel point vous n’êtes pas pauvre. Crésus sait qu’il est Crésus seulement lorsqu’il peut voir un vagabond comme moi traîner ses basques loqueteuses devant sa demeure. Il a besoin de moi. Que seraient les riches sans moi? […] Incidemment, l’un des pires aspects de la dèche c’est l’arrivée, l’injection de sans-abri tout frais et plus pimpants. […] Ces amateurs ont été attirés dans la rue par la méritocratie forcenée des années quatre-vingt. On leur a appris à espérer un emploi, une vie et un toit; ou du moins un emploi merdique, une vie et un trou. A leur grande surprise, ils obtiennent encore moins que ça. D’ailleurs, la plupart n’obtiennent rien du tout. Un rien précis, chirurgical.» Quelques années après Ripley Bogle, Robert Mac Liam Wilson poussera plus avant la réflexion sur la pauvreté, dans l’excellent et pertinent essai Les dépossédés.
À mon sens, l'intérêt du livre réside moins dans l'histoire, toute captivante qu'elle puisse être nonobstant la (relative) banalité de son cours que dans la façon dont le récit nous emporte: Robert McLiam Wilson a une plume de valeur qui sait emmener son lecteur sur un rythme rapide et avec un style à la fois désopilant, émouvant et finalement réjouissant. C'est ce style, faussement oral et pleinement écrit, qui m'a franchement fait jubiler, bien plus que l'histoire comico-tragique de Ripley...
Lectures Robert McLIAM WILSON-Eureka Street
Robert McLIAM WILSONEureka StreetTraduit de l’anglais par Brice Matthieussent
(4ème de couverture)
L’auteur de Ripley Bogle nous entraîne à Belfast, sa ville natale, pour un roman foisonnant, à la fois tragique et hilarant. Qu’a donc trouvé Chuckie Lurgan, gros protestant picoleur et pauvre, qui à trente ans vit toujours avec sa mère dans une maisonnette d’Eureka Street ? Une célébrité cocasse et quelques astuces légales mais immorales pour devenir riche. Que cherche donc son ami catholique Jake Jackson, orphelin mélancolique, ancien dur et cœur d’artichaut ? Le moyen de survivre et d’aimer dans une ville livrée à la violence terroriste aveugle. Et qu’a donc trouvé Peggy, la mère quinquagénaire de Chuckie ? Le bonheur, tout simplement, grâce à une forme d’amour prohibée, donc scandaleuse dans son quartier protestant. Et, pendant ce temps-là, un inconnu couvre les murs de Belfast d’un mystérieux graffiti : OTG, écrit-il OTG.(Les personnages principaux :)Chuckie Lurgan, Jake Jackson, Max, Aoirghe, Crab, Hally, Stoney, Peggy, Mary.
(1ere phrase :)
Toutes les histoires sont des histoires d’amour.
(Dernière phrase :)
Elle sourit et me regarde de ses yeux limpides.
544 pages – Christian Bourgeois éditeur, 1997
pour la traduction française.
(Aide mémoire perso :)Attention, chef d’œuvre. Le genre dont on sait en le refermant qu’il va continuer longtemps à vous hanter. Dont on est sûr aussi qu’on le gardera toujours à portée de main pour pouvoir s’y replonger….
Un bouquin pareil mérite plus que d’être simplement cité ou recommandé : il mérite d’être réellement partagé. Un chant d’amour. Une élégie à une cité, celle dont il est originaire : Belfast, la ville — peut-être avec Sarajevo —, que l’Histoire aura le plus meurtrie, mutilée, crucifiée…
Si vous avez besoin d’être convaincu de l’absurdité des conflits et du ridicule des acteurs qui les enveniment, courrez acheter Eureka Street de Robert Mac Liam Wilson. Dans ce roman publié en 1996, soit la même année que le deuxième cessez-le-feu de l’IRA, le jeune auteur nord-irlandais s’attaque avec un humour féroce et déjanté à tous ceux qui pourrissent le quotidien des habitants de Belfast qui n’aspirent qu’à vivre tranquille. Sont particulièrement visés: les dogmatiques du Sinn Fein (Nous seuls en gaélique…), les bigots unionistes ou les paramilitaires de l’IRA catholique ou de l’UVF protestante. Mac Liam Wilson évoque l'Irlande du Nord et ses tourments avec une sensibilité et un sens de l’à-propos rares. Paradoxe suprême: la plume de ce natif d’un quartier républicain (catholique) de Belfast est trempée dans un encrier d’humour british pur jus!
Ce roman foisonnant est bâtit sur la description de la vie de deux habitants des quartiers populaires de Belfast, Jake le catholique et Chuckie le protestant, que des religions différentes n’ont pas empêché d’être les meilleurs amis du monde. Jusqu’au seuil fatidique de la trentaine, leur existence est relativement similaire: ennui, célibat souvent forcé, beuveries, emplois précaires, désintérêt total pour la guerre civile qui se déroule sur leur pas de porte. Bref, aucun des deux hurluberlus ne trouve sa place dans la société nord-irlandaise. Pourtant, du jour au lendemain, sans explication rationnelle, leur destin évoluera de façon radicalement différente.
Tout d’abord, niveau emploi. Jake, le narrateur, travaille dans une entreprise de récupération d’objets non–payés, en compagnie de deux protestants écervelés, Crab et Hally. Ne pouvant plus supporter de dépouiller de misérables familles, il démissionne et se fait engager dans une entreprise de ferblanterie-couverture. Jake passe des journées entières à rénover le toit de l’Hôtel Europa, qui détient un triste record: celui d’être l’hôtel le plus plastiqué d’Europe… Chuckie, de son côté, peut compter sur une bonne étoile: roi de l’esbroufe, il commence par faire fortune en vendant des godemichés géants par correspondance. Sa technique est imparable: les godemichés n’arriveront jamais aux destinataires. Bien sûr, ceux-ci pourront se faire rembourser, mais à condition d’aller encaisser dans une banque un chèque sur lequel apparaît en grosses lettres le nom de l’instrument sexuel commandé… Le fanfaron parviendra ensuite à convaincre différentes banques ou service de l’Etat de lui attribuer des fonds pour des projets tous plus fous et fictifs les uns que les autres. La machine s’emballe et l’adipeux protestant devient en quelques semaines le véritable nabab de Belfast.
Les vies sentimentales de Chuckie et Jake suivent également des chemins opposés. Le premier rencontre une splendide Américaine qu'il conquiert on se demande encore comment, vu son physique ingrat. Le second, de son côté, «tombe amoureux tous les cent cinquante mètres». De Sarah, de Mary, de caissières, de passantes, bref de tout être aux formes féminines. Sans succès notable… Jake semble condamné à être éternellement éconduit…
Si Jake et Chuckie sont les personnages centraux du roman, ce serait faire injure à Mac Liam Wilson d’oublier la palette d’individus tous plus extravagants les uns que les autres. On citera notamment: Aoirghe, la petite bourgeoise nationaliste au nom gaélique imprononçable. Jimmy Eve, la parodie délirante de Gerry Adams, le leader du Sinn Fein. Le poète barbu Shague Ghinthoss «qui écrit sur les grenouilles, les haies et les pelles à long manche». Roche, le gamin des rues dont la vulgarité verbale est le résultat des coups reçus par ses parents. Ou encore Peggy, la mère de Chuckie, qui découvre sur le tard les plaisirs saphiques.
Le risque majeur en lisant Eureka Street, c’est de se faire éclater la rate. Les scènes surréalistes et cocasses se succèdent à un rythme effréné. Seul le onzième chapitre décadre totalement dans cette symphonie de joyeusetés. L'auteur y décrit avec un réalisme effrayant l’avant, le pendant et l’après d’un attentat à la bombe dans une vulgaire sandwicherie de Fountain street, en pleine pause de midi. Rien ne nous est épargné: les cris, les bouts de corps épars, le traumatisme des survivants! Une horreur! Mais une horreur salutaire qui empêchera définitivement quiconque d’avoir une vision romantique des mouvements de libération nationale et de leurs actions terroristes. Dans ce chapitre magistral, on réalise également à quel point l’Histoire avec un grand « H » que tentent d’écrire une minorité d’ultras peut briser net une multitude de belles histoires avec un petit « h ».
Le roman vaut également la peine d’être lu pour la minutieuse description de Belfast. Robert Mc Liam Wilson est profondément amoureux de chaque centimètre carré de sa ville, une ville où la politique ne se résume pas à des débats futiles sur la fiscalité, les crédits routiers ou la réfection de canalisation. Belfast, c’est un véritable puzzle dont les pièces protestantes et catholiques peinent à s’imbriquer. Belfast, c’est une des dernières zones de l’Europe à 25 dans laquelle la libre circulation des personnes n’est pas garantie. Belfast, c’est une ville où les murs racontent les haines ancestrales, glorifient les mouvements paramilitaires et se couvrent d’acronymes belliqueux. C’est une ville où les différends se règlent à l’Armalite et à coups de feu dans les rotules. Mais Belfast n’est pas peuplée que de terroristes en armes assoiffés de sang. Elle grenouille également d’habitants, comme Jake et Chuckie, qui se moquent de leur religion comme de leur première brosse à dents et qui se sentent peu concernés par les soubresauts de l’Histoire. Ils aspirent à une vie paisible agrémentée d’activités banales comme boire des bières entre amis, lire Erasme, nourrir leur chat ou partager un bol de céréales avec leur tendre et chère. "Toutes les histoires sont des histoires d'amour", déclare Robert McLiam Wilson en préambule de son chef d’œuvre. Eureka Street est effectivement une magnifique histoire d'amour, qui apprend à jouir du quotidien à pleines dents!
P.S Nul besoin d'être au fait du conflit nord-irlandais et de l’ambiance qui règne dans les quartiers nationalistes (Falls Road, Ballymurphy, etc.) et loyalistes (Shankill, Sandy Row, etc.) de Belfast pour aborder Eureka Street. Il suffit en gros de savoir que l'Irlande du Nord est peuplée d'une majorité de protestants souhaitant rester au sein du Royaume-Uni et d'une minorité de catholiques plutôt encline à la réunification avec la République d'Irlande. L'intrigue du roman pourrait en fait se dérouler dans n'importe quelle zone urbaine déchirée par un conflit.
(4ème de couverture)
L’auteur de Ripley Bogle nous entraîne à Belfast, sa ville natale, pour un roman foisonnant, à la fois tragique et hilarant. Qu’a donc trouvé Chuckie Lurgan, gros protestant picoleur et pauvre, qui à trente ans vit toujours avec sa mère dans une maisonnette d’Eureka Street ? Une célébrité cocasse et quelques astuces légales mais immorales pour devenir riche. Que cherche donc son ami catholique Jake Jackson, orphelin mélancolique, ancien dur et cœur d’artichaut ? Le moyen de survivre et d’aimer dans une ville livrée à la violence terroriste aveugle. Et qu’a donc trouvé Peggy, la mère quinquagénaire de Chuckie ? Le bonheur, tout simplement, grâce à une forme d’amour prohibée, donc scandaleuse dans son quartier protestant. Et, pendant ce temps-là, un inconnu couvre les murs de Belfast d’un mystérieux graffiti : OTG, écrit-il OTG.(Les personnages principaux :)Chuckie Lurgan, Jake Jackson, Max, Aoirghe, Crab, Hally, Stoney, Peggy, Mary.
(1ere phrase :)
Toutes les histoires sont des histoires d’amour.
(Dernière phrase :)
Elle sourit et me regarde de ses yeux limpides.
544 pages – Christian Bourgeois éditeur, 1997
pour la traduction française.
(Aide mémoire perso :)Attention, chef d’œuvre. Le genre dont on sait en le refermant qu’il va continuer longtemps à vous hanter. Dont on est sûr aussi qu’on le gardera toujours à portée de main pour pouvoir s’y replonger….
Un bouquin pareil mérite plus que d’être simplement cité ou recommandé : il mérite d’être réellement partagé. Un chant d’amour. Une élégie à une cité, celle dont il est originaire : Belfast, la ville — peut-être avec Sarajevo —, que l’Histoire aura le plus meurtrie, mutilée, crucifiée…
Si vous avez besoin d’être convaincu de l’absurdité des conflits et du ridicule des acteurs qui les enveniment, courrez acheter Eureka Street de Robert Mac Liam Wilson. Dans ce roman publié en 1996, soit la même année que le deuxième cessez-le-feu de l’IRA, le jeune auteur nord-irlandais s’attaque avec un humour féroce et déjanté à tous ceux qui pourrissent le quotidien des habitants de Belfast qui n’aspirent qu’à vivre tranquille. Sont particulièrement visés: les dogmatiques du Sinn Fein (Nous seuls en gaélique…), les bigots unionistes ou les paramilitaires de l’IRA catholique ou de l’UVF protestante. Mac Liam Wilson évoque l'Irlande du Nord et ses tourments avec une sensibilité et un sens de l’à-propos rares. Paradoxe suprême: la plume de ce natif d’un quartier républicain (catholique) de Belfast est trempée dans un encrier d’humour british pur jus!
Ce roman foisonnant est bâtit sur la description de la vie de deux habitants des quartiers populaires de Belfast, Jake le catholique et Chuckie le protestant, que des religions différentes n’ont pas empêché d’être les meilleurs amis du monde. Jusqu’au seuil fatidique de la trentaine, leur existence est relativement similaire: ennui, célibat souvent forcé, beuveries, emplois précaires, désintérêt total pour la guerre civile qui se déroule sur leur pas de porte. Bref, aucun des deux hurluberlus ne trouve sa place dans la société nord-irlandaise. Pourtant, du jour au lendemain, sans explication rationnelle, leur destin évoluera de façon radicalement différente.
Tout d’abord, niveau emploi. Jake, le narrateur, travaille dans une entreprise de récupération d’objets non–payés, en compagnie de deux protestants écervelés, Crab et Hally. Ne pouvant plus supporter de dépouiller de misérables familles, il démissionne et se fait engager dans une entreprise de ferblanterie-couverture. Jake passe des journées entières à rénover le toit de l’Hôtel Europa, qui détient un triste record: celui d’être l’hôtel le plus plastiqué d’Europe… Chuckie, de son côté, peut compter sur une bonne étoile: roi de l’esbroufe, il commence par faire fortune en vendant des godemichés géants par correspondance. Sa technique est imparable: les godemichés n’arriveront jamais aux destinataires. Bien sûr, ceux-ci pourront se faire rembourser, mais à condition d’aller encaisser dans une banque un chèque sur lequel apparaît en grosses lettres le nom de l’instrument sexuel commandé… Le fanfaron parviendra ensuite à convaincre différentes banques ou service de l’Etat de lui attribuer des fonds pour des projets tous plus fous et fictifs les uns que les autres. La machine s’emballe et l’adipeux protestant devient en quelques semaines le véritable nabab de Belfast.
Les vies sentimentales de Chuckie et Jake suivent également des chemins opposés. Le premier rencontre une splendide Américaine qu'il conquiert on se demande encore comment, vu son physique ingrat. Le second, de son côté, «tombe amoureux tous les cent cinquante mètres». De Sarah, de Mary, de caissières, de passantes, bref de tout être aux formes féminines. Sans succès notable… Jake semble condamné à être éternellement éconduit…
Si Jake et Chuckie sont les personnages centraux du roman, ce serait faire injure à Mac Liam Wilson d’oublier la palette d’individus tous plus extravagants les uns que les autres. On citera notamment: Aoirghe, la petite bourgeoise nationaliste au nom gaélique imprononçable. Jimmy Eve, la parodie délirante de Gerry Adams, le leader du Sinn Fein. Le poète barbu Shague Ghinthoss «qui écrit sur les grenouilles, les haies et les pelles à long manche». Roche, le gamin des rues dont la vulgarité verbale est le résultat des coups reçus par ses parents. Ou encore Peggy, la mère de Chuckie, qui découvre sur le tard les plaisirs saphiques.
Le risque majeur en lisant Eureka Street, c’est de se faire éclater la rate. Les scènes surréalistes et cocasses se succèdent à un rythme effréné. Seul le onzième chapitre décadre totalement dans cette symphonie de joyeusetés. L'auteur y décrit avec un réalisme effrayant l’avant, le pendant et l’après d’un attentat à la bombe dans une vulgaire sandwicherie de Fountain street, en pleine pause de midi. Rien ne nous est épargné: les cris, les bouts de corps épars, le traumatisme des survivants! Une horreur! Mais une horreur salutaire qui empêchera définitivement quiconque d’avoir une vision romantique des mouvements de libération nationale et de leurs actions terroristes. Dans ce chapitre magistral, on réalise également à quel point l’Histoire avec un grand « H » que tentent d’écrire une minorité d’ultras peut briser net une multitude de belles histoires avec un petit « h ».
Le roman vaut également la peine d’être lu pour la minutieuse description de Belfast. Robert Mc Liam Wilson est profondément amoureux de chaque centimètre carré de sa ville, une ville où la politique ne se résume pas à des débats futiles sur la fiscalité, les crédits routiers ou la réfection de canalisation. Belfast, c’est un véritable puzzle dont les pièces protestantes et catholiques peinent à s’imbriquer. Belfast, c’est une des dernières zones de l’Europe à 25 dans laquelle la libre circulation des personnes n’est pas garantie. Belfast, c’est une ville où les murs racontent les haines ancestrales, glorifient les mouvements paramilitaires et se couvrent d’acronymes belliqueux. C’est une ville où les différends se règlent à l’Armalite et à coups de feu dans les rotules. Mais Belfast n’est pas peuplée que de terroristes en armes assoiffés de sang. Elle grenouille également d’habitants, comme Jake et Chuckie, qui se moquent de leur religion comme de leur première brosse à dents et qui se sentent peu concernés par les soubresauts de l’Histoire. Ils aspirent à une vie paisible agrémentée d’activités banales comme boire des bières entre amis, lire Erasme, nourrir leur chat ou partager un bol de céréales avec leur tendre et chère. "Toutes les histoires sont des histoires d'amour", déclare Robert McLiam Wilson en préambule de son chef d’œuvre. Eureka Street est effectivement une magnifique histoire d'amour, qui apprend à jouir du quotidien à pleines dents!
P.S Nul besoin d'être au fait du conflit nord-irlandais et de l’ambiance qui règne dans les quartiers nationalistes (Falls Road, Ballymurphy, etc.) et loyalistes (Shankill, Sandy Row, etc.) de Belfast pour aborder Eureka Street. Il suffit en gros de savoir que l'Irlande du Nord est peuplée d'une majorité de protestants souhaitant rester au sein du Royaume-Uni et d'une minorité de catholiques plutôt encline à la réunification avec la République d'Irlande. L'intrigue du roman pourrait en fait se dérouler dans n'importe quelle zone urbaine déchirée par un conflit.